Économie

Soupçons de favoritisme: deux ans de prison avec sursis requis contre l'ex-PDG d'EDF Henri Proglio

  • Le PDG d'EDF, Henri Proglio, arrive pour son audition devant une commission d'enquête parlementaire sur les prix de l'électricité, à Paris le 22 octobre 2014
    ©ERIC PIERMONT, AFP - Le PDG d'EDF, Henri Proglio, arrive pour son audition devant une commission d'enquête parlementaire sur les prix de l'électricité, à Paris le 22 octobre 2014
  • Le PDG d'EDF, Henri Proglio, arrive pour son audition devant une commission d'enquête parlementaire sur les prix de l'électricité, à Paris le 22 octobre 2014
    ©STEPHANE DE SAKUTIN, AFP - Le PDG d'EDF, Henri Proglio, au Bourget le 14 octobre 2014
  • Le PDG d'EDF, Henri Proglio, arrive pour son audition devant une commission d'enquête parlementaire sur les prix de l'électricité, à Paris le 22 octobre 2014
    ©Pascal GUYOT, AFP - Le ministre de l'Education Claude Allègre à Paris le 12 octobre 1998
  • Le PDG d'EDF, Henri Proglio, arrive pour son audition devant une commission d'enquête parlementaire sur les prix de l'électricité, à Paris le 22 octobre 2014
    ©STEPHANE DE SAKUTIN, AFP - Alain Bauer à Paris le 30 septembre 2022

C'était "le fait du prince": le parquet a requis mardi deux ans de prison avec sursis et 200.000 euros d'amende contre Henri Proglio, PDG d'EDF de 2009 à 2014, jugé à Paris pour "favoritisme", pour avoir recruté des consultants en dehors des règles de mise en concurrence.

"C'est à son initiative que cette procédure dérogatoire et illégale a été mise en oeuvre", a martelé le représentant du parquet national financier (PNF) Sébastien de la Touanne.

Le magistrat a également requis un million d'euros d'amende contre EDF, poursuivie en tant que personne morale. Un montant raisonnable, qui ne risque pas de "couler" le géant public, a souligné le procureur.

En défense, Me Jean Reinhart, avocat de l'entreprise, a plaidé la relaxe, soulignant qu'une condamnation, même non inscrite au casier judiciaire, empêcherait le groupe industriel de se porter candidat à certains marchés internationaux.

Ce procès porte sur 44 contrats litigieux conclus pour environ 36 millions d'euros au total, avec des communicants, anciens dirigeants d'entreprises, magistrats, avocats ou journalistes. Les consultants, rémunérés chacun de 40.000 à quatre millions d'euros sur plusieurs années, avaient été recrutés pour des missions de "lobbying", "renseignement", "conseil stratégique", en "communication" ou "gestion des risques". Seuls sont poursuivis - pour "recel de favoritisme" - ceux ayant touché plus de 400.000 euros.

A l'audience, M. Proglio a plaidé "l'efficacité" et réfuté toute volonté de contourner les règles. De leur côté, la plupart des 11 consultants poursuivis - neuf personnes physiques et deux entreprises, jugées pour recel de favoritisme - se sont défendus en expliquant n'avoir "jamais imaginé" qu'on puisse les solliciter en dehors des règles.

Dans ce dossier, "aucune procédure d'appel à concurrence, même la plus simplifiée, n'a été mise en oeuvre", a souligné le procureur. Et beaucoup de consultants n'ont été recrutés que parce qu'ils connaissaient personnellement M. Proglio. "C'est le fait du prince", a-t-il ajouté.

- "Vu à la télé" -

Le magistrat a ainsi ironisé, entre autre exemples, sur le recrutement du physicien et ancien ministre Claude Allègre, payé 336.000 euros (hors taxe) pour exercer du lobbying pro-nucléaire. "Il avait une réputation, une crédibilité et je n'en connaissais pas d'autres", avait expliqué à son propos M. Proglio lors de l'audience, en mai.

Une justification qui suscite les railleries du procureur: "c'est le célèbre +vu à la télé+ qui vous permet de vous dispenser des règles de la commande publique", a-t-il observé.

Le procureur a rejeté les "excuses fallacieuses" de certains prévenus, comme le fait que les procédures de gré à gré auraient été justifiées par une "urgence impérieuse" à recruter. Selon lui, la jurisprudence est restrictive sur ce point et il aurait fallu que cette urgence soit liée à un "événement imprévisible", ce qui n'était manifestement pas le cas.

Quant aux 11 consultants poursuivis - dont les anciens journalistes Jean de Belot et Laïd Sammari, le criminologue Alain Bauer, ou la société de conseils de l'ex-PDG de Vivendi Jean-Marie Messier - ils "ne pouvaient pas ignorer" qu'aucune concurrence n'était organisée, a souligné l'autre représentante du PNF, Bénérice Dinh.

Les peines requises à leur encontre - pour chacun, une amende, une peine de prison et une interdiction de candidater à des marchés publics - ont été modulées en fonction du montant des contrats litigieux.

Elles s'étalent ainsi de six mois à 18 mois de prison avec sursis et de 121.000 à un million d'euros d'amende. Seul l'ancien dirigeant de Gaz de France et de la SNCF, Loïk Le Floch-Prigent, a vu le parquet requérir contre lui une peine de prison ferme (un an), en raison de son passé judiciaire - il a été condamné en 2003 dans l'affaire Elf.

Pendant l'audience, chacun a expliqué en substance avoir été choisi de gré à gré pour ses compétences pointues dans son domaine de prédilection: "On n'a jamais vu autant de spécialistes autoproclamés dans leur domaine", a ironisé la procureure. "C'est l'avantage de l'autoproclamation: pas besoin de mise en concurrence, on prend un café, on signe un contrat sur un bout de table, c'est l'entre-soi".

Le procès doit s'achever vendredi par les dernières plaidoiries de la défense - dont celle de M. Proglio. Après quoi, le tribunal mettra sa décision en délibéré. La décision devrait être rendue dans plusieurs mois.

publié le 18 juin à 19h55, AFP

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