Sans protection, la sidérurgie européenne va continuer à fermer des usines, avertit Eurofer
© Ina FASSBENDER, AFP - Un ouvrier sidérurgiste dans les hauts fourneaux de Thyssenkrupp à Duisbourg en Allemagne, le 10 décembre 2024
La sidérurgie européenne va continuer à perdre des capacités l'an prochain, surtout si l'Europe ne prend pas de mesures de protection fortes face à la concurrence mondiale, avertit le syndicat de l'acier européen Eurofer.
"La situation est très, très inquiétante", pour Axel Eggert, directeur général d'Eurofer, le lobby de l'acier européen : "on est confronté à plusieurs problèmes qui se renforcent l'un l'autre", explique-t-il dans un entretien à l'AFP, citant pèle-mêle "les surcapacités de la sidérurgie globale", les "prix de l'énergie en Europe" et "la chute de la demande" sur le continent.
Conséquence, des milliers de suppressions de postes dans la branche acier de l'allemand Thyssenkrupp et des fermetures de sites en France chez ArcelorMittal.
Depuis des semaines, les industriels de l'acier multiplient les appels à l'aide envers Bruxelles.
Eurofer a adressé le 6 décembre, avec la Confédération européenne syndicale IndustriAll, une lettre commune à la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, lui demandant un sommet européen d'urgence sur l'acier, restée sans réponse à ce stade, selon M. Eggert, qui espère toutefois "un plan d'action pour la sidérurgie européenne".
Faute de quoi, les fermetures de sites vont "continuer simplement, si on ne trouve pas des mesures rapides", a-t-il averti.
Alors que "des masses" d'acier pénètrent le marché européen "à un prix très, très bas, dérivé des surcapacités" engendrées par des programmes gouvernementaux d'infrastructures colossaux à l'extérieur de l'UE, en Chine, mais "pas seulement", la demande de l'industrie automobile européenne, en crise, est en chute libre, rappelle M. Eggert.
Parallèlement, les prix de l'énergie en Europe flambent depuis trois ans et sont désormais "trois à quatre fois" plus élevés qu'aux Etats-Unis ou en Chine, déplore-t-il.
"Si Volkswagen ferme trois sites de production, bien sûr, ça a directement un impact sur l'acier", souligne M. Eggert, reprenant les informations du syndicat allemand de la métallurgie IG Metall.
- Des usines qui tournent à 60% -
"Pour l'instant, on n'utilise que 60% de nos capacités", détaille le directeur général d'Eurofer, qui rappelle qu'en 2023, les industriels européens ont produit 126 millions de tonnes d'acier, contre 160 millions de tonnes en 2018.
Cette réduction est "énorme", "parce qu'on a des coûts fixes assez élevés et on fait des profits seulement sur les dernières tonnes de production", souligne-t-il. De ce fait, les programmes de décarbonation "très ambitieux" dans lesquels les sidérurgistes européens sont engagés, sont au point mort.
A Dunkerque, dans le nord de la France, ArcelorMittal a décidé de retarder son projet d'acier décarboné, en dépit des subventions de l'Europe déjà accordées à cette fin.
"L'énergie coûte trop cher pour l'instant pour faire cette transition que d'autres ne font pas", estime M. Eggert, qui appelle l'Europe à lutter contre les importations d'acier produits de manière moins vertueuse et à l'aide de barrières douanières. Il estime que la tonne d'acier vert coûte 300 euros plus cher que la tonne d'acier carboné.
Il rappelle par ailleurs la revendication de son organisation d'"améliorer" le "mécanisme d'ajustement carbone aux frontières" (MACF ou CBAM en anglais), "pas efficace" en l'état, avant son entrée en vigueur en 2026.
Autre urgence à régler selon le lobbyiste, la sortie d'Europe chaque année de 19 millions de tonnes de ferraille, qui permettraient au Vieux continent de produire de l'acier recyclé, de réduire ses émissions de CO2 (-33 millions de tonnes, selon Eurofer) et d'économiser de l'énergie. Or "plus de 50% des pays qui produisent de l'acier ont des restrictions d'exportation" de cette ferraille.
"Dans les trois mois qui viennent, il faut déjà avoir une décision sur quelques mesures et dans les prochains 18 mois, il faut avoir toute une palette de mesures pour sauvegarder la sidérurgie en Europe" et avec elle l'industrie européenne dans son ensemble, "parce qu'on souffre vraiment", insiste M. Eggert.
"Chaque journée qu'on perd, on perd des gens et on perd des capacités", conclut-il.
publié le 20 décembre à 14h07, AFP