Marée noire en Russie: un fioul lourd et "persistant", difficile à nettoyer
Lors d'une marée noire, le pétrole se comporte différemment dans l'eau selon qu'il est lourd ou léger: la pollution qui touche depuis mi-décembre la Russie et la Crimée en mer Noire implique un carburant de type "fioul lourd", difficile à nettoyer.
- Un fioul lourd en cause
Le détroit de Kertch, entre la Russie et la péninsule ukrainienne de Crimée qu'elle a annexée en 2014, est pollué le naufrage de deux pétroliers russes au cours d'une tempête à la mi-décembre, et cette marée noire ne cesse de s'étendre.
Les deux tankers contenaient 9.200 tonnes de mazout et 26% de la cargaison se seraient échappée en mer, selon la dernière estimation des autorités russes.
C'est "le premier accident au monde impliquant du fioul +lourd+ de qualité M100", a déclaré le service russe de secours en mer, Morspassloujba.
Ce type de fioul "ne flotte pas à la surface" et "il n'existe aucune technologie éprouvée dans le monde pour l'éliminer dans l'eau", selon la même source. "C'est pourquoi la principale méthode est la collecte sur le littoral."
"Le +mazout+ (M100, ndlr) est un nom commercial d'un type particulier de +fioul lourd+ (Heavy fuel oil, HFO en anglais, ndlr) produit en Russie et au Kazakhstan", détaille à l'AFP Rob James, premier vice-président Europe/Asie chez Lamor, société de contrôle de la pollution par les hydrocarbures et les produits chimiques.
Les fiouls lourds sont des combustibles résiduels à bas coût issus de la distillation du pétrole brut dans les raffineries, "généralement utilisés comme combustible pour les grands navires et les chaudières industrielles", précise-t-il.
- Pétrole lourd ou léger, quelle différence?
Il existe deux types de pétroles: les fiouls lourds aux consistances presque goudronneuses, et les pétroles dit "légers" comprenant le diesel, l'essence ou le kérosène.
Les premiers, très polluants, se caractérisent par une viscosité et une densité élevées. Ils peuvent être aussi lourds ou plus lourds que l'eau, couler ou être en suspension et persister plus longtemps dans l'environnement aquatique.
Les seconds, à faible viscosité et densité, se dégradent rapidement.
Ainsi, "un fioul lourd peut rester dans l'environnement pendant des années, tandis qu'un carburant plus léger, comme le diesel, peut s'évaporer complètement et se disperser en quelques jours ou semaines", résume à l'AFP Thomas Azwell, chercheur à l'université de Berkeley.
Du fait de ses caractéristiques, "le fioul lourd (HFO) ne s'évapore pas et les dispersants ont peu d'effet sur lui". Il est décrit "comme +persistant+, car les processus climatiques et biologiques qui peuvent naturellement réduire l'impact d'un déversement de pétrole brut n'ont que peu d'impact sur le fioul lourd", souligne M. James.
"Tout fioul lourd présente généralement plus de difficultés à nettoyer qu'un déversement de pétrole brut ou d'autres produits pétroliers raffinés", ajoute-t-il. Le nettoyage nécessite "un processus mécanique ou manuel qui prend du temps et des ressources en main-d'oeuvre", à l'instar du naufrage de l'Erika en décembre 1999 en Bretagne (dans l'ouest de la France) qui avait laissé s'échapper 20.000 tonnes de fioul lourd.
- Comment évolue une marée noire?
Le type de pétrole ainsi que les conditions météorologiques et l'état de la mer sont des facteurs déterminants.
Une fois déversés, les produits pétroliers peuvent subir huit principaux procédés de modification chimique et physique incluant notamment: la propagation à la surface, l'évaporation, accentuée par des forts vents et températures élevés, la dispersion en gouttelettes sous l'effet des vagues, l'émulsification, qui augmente le volume du pétrole à mesure qu'il absorbe de l'eau, la sédimentation qui voit le pétrole entrer en interaction avec des sédiments et couler.
"L'étalement, l'évaporation, la dispersion et l'émulsification sont importants dans les premières phases du déversement, tandis que la photo-oxydation, la sédimentation et la biodégradation sont des processus à long terme qui déterminent le sort final des hydrocarbures", indique une note technique de la Fédération internationale des armateurs pétroliers contre la pollution (ITOPF).
Selon l'ITOPF, "un petit nombre de pétroles résiduels sont suffisamment denses pour couler en cas de déversement. Cependant, la plupart des pétroles flottent et ne coulent que s'ils sont mélangés à des sédiments plus denses".
publié le 7 janvier à 23h13, AFP