Plasticien, metteur en scène, Théo Mercier fait naître "l'imaginaire de la matière"
"Changer les habitudes de regard" sur une oeuvre et sur le monde: c'est ce à quoi invite Théo Mercier, à la fois sculpteur et metteur en scène, qui aime entraîner son public dans des univers atypiques mêlant matière et performance.
L'artiste présente sa pièce "Skinless" à la Grande Halle de La Villette, à Paris, jusqu'à dimanche, dans le cadre du Festival d'Automne, avant de prochaines dates, en 2025, au Havre et à Lyon.
L'entrée en matière peut dérouter: dans le noir, des murs de canettes compressées et d'emballages alimentaires, une scène faite de cartons et papiers destinés au tri, sorte de ring autour duquel se tiennent les spectateurs, debout. Une odeur, aussi, qui peut donner un sentiment de malaise voire de suffocation.
Deux performeurs recouverts d'une seconde peau de latex y évoluent, sous les yeux d'un troisième personnage, mi-fou du roi mi-farfadet, posté en hauteur. Les deux hommes content une histoire d'amour, faite de rencontre, fusion, attraction, répulsion, séparation et métamorphose.
Ce sont "à la fois deux animaux de la même espèce, des frères, des collègues, des amants, des ennemis jurés, des meilleurs amis ou le même corps", détaille Théo Mercier à l'AFP.
"Dans mon processus de création, il y a l'imaginaire de la matière. Puis l'histoire arrive en second lieu", explique-t-il. "C'est une écriture de sculpteur", ajoute l'homme de 40 ans qui s'est lancé d'abord comme plasticien avant de s'intéresser au spectacle vivant.
En découle un travail hybride entre ces deux arts. "Je cherche vraiment un endroit entre ces pratiques, entre ces publics", précise-t-il, se situant "aux interstices".
- "impact minimal" -
Autre axe de travail: à chaque projet, "je me demande comment avoir un geste maximal d'artiste et un impact écologique minimal", assure-t-il.
D'où l'utilisation d'une "technique d'emprunt". Pour "Skinless", l'artiste utilise 120 tonnes d'ordures, compressées localement (à chaque ville, ses déchets) pour les restituer ensuite.
Pour sa précédente création "Outremonde", une série de sculptures en sable et performances présentée au Festival d'Avignon, au Luma Westbau de Zurich et à La Conciergerie à Paris, "on venait emprunter du sable dans des carrières et, à l'issue de la période d'exposition, tout le sable revenait de manière complètement intouchée d'où il provenait".
A partir de l'environnement créé, il s'agit "d'essayer de proposer de nouveaux rapports au monde. De changer un peu les habitudes de regard".
"Skinless", en ce sens, s'avère être "un compost d'amour, un terrain où il peut se passer des choses belles", ajoute Théo Mercier, qui n'entend pas "amener un regard culpabilisant" sur ce "monde qu'on a blessé" mais plutôt "un message guérisseur", avec l'idée de trouver "un endroit de soin".
Ses sources d'inspiration ? La figure de l'art contemporain Matthew Barney ou encore le metteur en scène iconoclaste Romeo Castellucci, qui a fait des études de production industrielle et d'ingénierie.
Le plasticien, qui vit entre Paris et Marseille, présente actuellement au Mucem des sculptures explorant le thème "du fragment et du reste", dans l'exposition +Méditerranées+".
Prochaine étape: l'Australie, où il se prépare à sculpter avec du sable une coulée de boue de 18 mètres de long. "Une sculpture de catastrophe".
publié le 2 décembre à 13h44, AFP