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Le long chemin du Honduras pour cesser d'être un narco-État

  • Des paquets de cocaïne avant d'être incinérés à Tegucigalpa, au Honduras, le 13 juin 2024
    ©Orlando SIERRA, AFP - Des paquets de cocaïne avant d'être incinérés à Tegucigalpa, au Honduras, le 13 juin 2024
  • Des paquets de cocaïne avant d'être incinérés à Tegucigalpa, au Honduras, le 13 juin 2024
    ©Orlando SIERRA, AFP - L'ex président du Honduras Juan Orlando Hernandez le 24 mars 2021 à Tegucigalpa, au Honduras
  • Des paquets de cocaïne avant d'être incinérés à Tegucigalpa, au Honduras, le 13 juin 2024
    ©Ezequiel BECERRA, AFP - La présidente du Honduras, Xiomara Castro, le 20 juin 2024 à San Jose, au Honduras
  • Des paquets de cocaïne avant d'être incinérés à Tegucigalpa, au Honduras, le 13 juin 2024
    ©Orlando SIERRA, AFP - Des paquets de cocaïne incinérés à Tegucigalpa, au Honduras, le 13 juin 2024

Le Honduras a encore un long chemin à parcourir pour démanteler le "narco-État" qui s'est développé sous l'ex-président Juan Orlando Hernandez (2014-2022), reconnu coupable mercredi à New-York d'avoir aidé à expédier des centaines de tonnes de cocaïne aux États-Unis, s'accordent des experts consultés par l'AFP.

M. Hernandez, 55 ans, condamné à 45 ans de prison pour trafic international de drogue, a participé à un réseau qui a expédié environ 400 tonnes de cocaïne aux Etats-Unis entre 2004 et 2022, et l'a protégé, sous ses divers mandats de député, de président du parlement unicaméral, puis de président de la République.

En retour, il aurait reçu des millions de dollars des cartels, dont celui de Sinaloa, dirigé par le célèbre narcotrafiquant mexicain Joaquin "Chapo" Guzman, condamné depuis aux États-Unis.

Extradé en avril 2022 dès la nouvelle présidente de gauche Xiomara Camara élue, le Honduras est toujours en train de recoller les morceaux.

"Il est impossible d'éliminer en deux ans le narco-État que Juan Orlando Hernandez a construit", affirme d'emblée à l'AFP Mike Vigil, ancien agent de la Drug enforcement administration (DEA), l'agence anti-drogue américaine.

La première femme présidente du Honduras, Xiomara Castro, qui a promis de s'attaquer au trafic de drogue, à la corruption et à la pauvreté, a hérité d'un pays où policiers, soldats, juges, élus et hommes d'affaires, ont tous eu, et pour certains ont encore, des liens avec les réseaux de trafic de drogue.

"Le monde de la drogue a placé ses pions dans l'appareil d'État", résume pour l'AFP Reina Rivera, avocate spécialisée dans les droits humains. Pour le ministre de la Sécurité, Gustavo Sanchez, avec l'arrestation de M. Hernandez "la structure criminelle a été décapitée" mais "le corps continue de fonctionner".

- Des institutions infiltrées -

Xiomara Castro "doit gouverner avec les structures avec lesquelles Hernandez a gouverné", des institutions infiltrées par les cartels, a déclaré le sociologue Pablo Carias. Et selon lui, des rumeurs continuent de circuler à propos de hauts fonctionnaires impliqués dans des activités illicites.

L'ancien agent de la DEA Vigil affirme que le trafic de cocaïne en provenance de Colombie et transitant par le Honduras est toujours florissant. Mais le pays n'est plus seulement un point de transit et des cultures de coca ont fleuri dans les montagnes honduriennes à partir de 2017. Des laboratoires produisent désormais la drogue sur place.

La transformation de la pâte de coca en cocaïne est gérée par des gangs honduriens qui collaborent avec les célèbres cartels mexicains de Sinaloa et de Jalisco Nueva Generacion, soutien M. Vigil.

- Reconstruction de l'État

L'une des premières mesures prises par Mme Castro lors de son entrée en fonctions a été d'abroger la loi dite "des secrets", qui classait les documents relatifs à la Sécurité publique et à la Défense et qui, selon ses détracteurs, avait été utilisée pour dissimuler des actes de corruption.

Elle a dévoilé une série de mesures de lutte contre le narcotrafic, offrant des récompenses et ordonnant la capture des personnes recherchées par les États-Unis. Depuis, 17 criminels ont été extradés.

"Elle a essayé de reconstruire l'appareil d'État avec des alliés qui ne peuvent pas être accusés d'avoir des liens avec les cartels", dit Me Rivera. Mais "de nombreux chefs de police sont toujours là", au service des cartels, prévient-elle.

Malgré les efforts de Xioamara Castro, Human Rights Watch (HRW) a pointé dans son rapport mondial 2024 qu'elle avait "largement échoué à tenir sa promesse de renforcer les droits de l'Homme et les institutions démocratiques au Honduras".

Les déboires du pays avec les narcotrafiquants s'inscrivent dans un contexte où la pauvreté touche près de 80% de la population et où le taux d'homicides est l'un des plus élevés d'Amérique latine.

Pour HRW, "le Honduras reste confronté à la corruption systémique et à l'ingérence politique dans le système judiciaire".

publié le 28 juin à 16h55, AFP

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