Les agriculteurs bloquent le port de Bordeaux, la ministre promet d'agir
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, la ministre de l'Agriculture promettant de s'attaquer notamment au sujet des pesticides interdits.
"Je pense que ce qui est autorisé en Europe devrait l'être également en France, ce qui est interdit en Europe doit l'être également en France", a déclaré Annie Genevard en visite dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape d'un déplacement dans le Pas-de-Calais.
Parmi les revendications des agriculteurs de retour dans la rue depuis dimanche figure la réautorisation d'un insecticide neurotoxique (l'acétamipride, un néonicotinoïde) interdit en France, mais encore autorisé ailleurs dans l'UE, réclamé par les producteurs de betteraves sucrières et de noisettes.
La ministre a aussi promis "dans les prochains jours des annonces en matière de simplification".
Mais pour Lucie Delbarre, présidente de la FDSEA du Pas-de-Calais, ce déplacement n'est pas de nature à calmer la grogne: "On a des petites mesurettes qui arrivent, mais nous ce qu'on veut, c'est l'ensemble de nos revendications, (...) qu'on puisse vivre de notre métier sereinement".
A La Couture, les panneaux d'entrée et sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange entre l'UE et des pays du Mercosur auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.
Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour de la mobilisation agricole, surtout marquée par les actions des "bonnets jaunes" de la Coordination rurale en fin de semaine.
A Bordeaux, des manifestants de la CR bloquent encore jeudi l'entrée des dépôts pétroliers DPA (Docks des pétroles d'Ambès) avec pneus et déchets, occupant aussi les ronds-points d'accès au port sous une pluie battante.
"On est organisé, on a ce qu'il faut pour tenir et on va rester en espérant avoir le plus rapidement une réponse des ministères", affirme Jean-Baptiste Chemin, agriculteur du Lot-et-Garonne.
Sous couvert d'anonymat, un autre déplore une mobilisation "en ordre dispersé". "Les collègues sont résignés", estime-t-il. "On devrait tous faire cause commune [entre syndicats], c'est dommage. On est obligé de faire brûler des pneus pour qu'on s'intéresse à nous."
- Tassement du mouvement, avant une reprise -
Les autorités recensaient en fin de matinée 596 agriculteurs et 224 engins agricoles mobilisés dans 16 départements.
Ils bloquaient encore cinq centrales d'achat en Charente, dans les Landes, le Lot-et-Garonne et le Tarn.
En Gironde, les gendarmes ont fait évacuer "sans incident" le blocage de deux plateformes logistiques, selon la préfecture.
De son côté, la préfète des Landes a condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.
Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a répété jeudi qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour distribuer 600 kilos de pommes.
Ce nouvel épisode de manifestations agricoles survient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.
Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi".
FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord avec le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.
A Reims, une trentaine d'éleveurs et maraîchers de la Confédération paysanne, troisième syndicat représentatif, ont proposé du théâtre improvisé, mettant en scène un marchandage entre un négociateur sud-américain et un français signant sur le dos d'une paysanne.
publié le 21 novembre à 16h10, AFP