Corée du Sud: l'incertitude fait tanguer la Bourse, les autorités tentent de rassurer
© ANTHONY WALLACE, AFP - Le bâtiment de la Bourse de Corée du Sud, le 5 août 2024.
Les autorités sud-coréennes se sont efforcées mercredi de rassurer tous azimuts les marchés financiers, alors que l'incertitude politique consécutive à l'éphémère proclamation de la loi martiale à Séoul alimente l'inquiétude sur la troisième économie d'Asie en pleine aggravation des tensions commerciales.
Les investisseurs ont commencé la journée abasourdis par le choc de la loi martiale promulguée puis levée dans la nuit par le président Yoon Suk Yeol.
La Bourse de Séoul a fortement tangué: l'indice composite Kospi a chuté de 2,3% en séance, avant de limiter ses pertes et de clôturer en repli de 1,4%.
Les titres des géants industriels ont plongé de concert: Hyundai Motors a chuté de 2,56%, et Samsung Electronics, plus grosse entreprise du pays, a baissé de 0,93% après avoir lâché 3% en cours d'échanges.
Sous pression, la monnaie coréenne s'est effondrée de plus de 2,5% dans la nuit à 1.444 wons pour un dollar, au plus bas depuis plus de deux ans, après la déclaration de la loi martiale --avant de rebondir dans la journée.
Certes, la loi martiale n'a survécu que quelques heures face à la farouche opposition du Parlement et le gouvernement et la banque centrale ont rapidement promis des liquidités pour éviter toute panique des marchés, ce qui a permis de tempérer leur glissade.
"Il a été décidé de fournir temporairement des liquidités suffisantes jusqu'à ce que les marchés financiers et le marché des changes se stabilisent", a indiqué la Banque de Corée à l'issue d'une réunion extraordinaire.
L'institution rachètera des titres obligataires, et élargira la gamme de titres qu'elle peut accepter en prêt en échange d'intérêts payés à des opérateurs commerciaux.
-"Empêcher tout choc"-
"Afin d'apaiser les inquiétudes sur notre situation économique, nous communiquerons étroitement avec les agences de notation, les grands pays tels que les Etats-Unis, les entités nationales et les marchés", a promis le vice-Premier ministre Choi Sang-mok, également ministre de l'Economie et des Finances.
Mettant en avant "des fondamentaux robustes" de l'activité, il a annoncé "un groupe de travail chargé de surveiller la situation économique et financière 24 heures sur 24, afin d'empêcher tout choc en temps réel".
"L'aspect positif est la résilience des institutions sud-coréennes. Dans l'immédiat, les conséquences devraient rester limitées pour l'économie et les marchés, car la Banque de Corée et le ministère des Finances ont réagi rapidement", saluent les experts de BMI Research.
Pour autant, "nous prévoyons une incertitude politique à court terme. Si M. Yoon ne démissionne pas, ce n'est qu'une question de temps" avant qu'il n'y soit forcé, ouvrant la voie à de nouvelles élections, avertissent-ils.
"La situation aurait probablement été bien pire si la tentative d'introduire la loi martiale n'avait pas échoué. Au lieu de cela, les investisseurs n'ont plus qu'à se préoccuper d'une période d'incertitude accrue", abonde Thomas Mathews, expert de Capital Economics.
-"Moment difficile"-
Le président Yoon fait désormais l'objet d'une réprobation générale: l'opposition entend déposer une motion de destitution, et la plus importante intersyndicale du pays a appelé à une "grève générale illimitée" pour exiger sa démission.
De quoi alimenter le spectre de nouvelles turbulences, alors que "d'un point de vue macroéconomique, la Corée du Sud était déjà l'un des pays les plus vulnérables à l'impact des taxes douanières proposées par Donald Trump", en passe d'arrivée au pouvoir en janvier, relève Michael Wan, analyste de la banque MUFG.
Le pays a pour premier partenaire commercial la Chine, particulièrement visée par les menaces douanières que le président élu américain prévoit d'appliquer, et ses chaînes de productions sont largement imbriquées avec son voisin.
Par ailleurs, "ce chaos intervient à un moment difficile pour les marchés sud-coréens", dont la valorisation s'est nettement dégradée avant même les évènements de cette semaine, la Bourse de Séoul affichant l'une des pires performances des places mondiales cette année, insiste M. Mathews.
"L'aggravation des tensions politiques complique certainement les efforts pour endiguer l'hémorragie" des investisseurs, sur fond de croissance économique atone du pays (+0,01% en glissement trimestriel au 3e trimestre), ajoute-t-il.
Certes, nuance-t-il, avec des géants des semi-conducteurs comme SK Hynix ou Samsung Electronics, la Corée du Sud est bien placée pour bénéficier de l'essor de l'intelligence artificielle. "Mais de l'eau coulera probablement sous les ponts" avant que l'impression des marchés "ne s'améliore de façon marquée".
publié le 4 décembre à 10h46, AFP