Bachar al-Assad rompt le silence huit jours après sa chute
Huit jours après avoir été renversé, l'ex-président syrien, Bachar al-Assad, est sorti lundi de son silence, affirmant qu'il n'avait fui la Syrie qu'après la chute de Damas et qualifiant les nouveaux dirigeants du pays de "terroristes".
Lâché par ses alliés, la Russie et l'Iran, M. Assad a fui pour Moscou quand une coalition de groupes rebelles menée par des islamistes radicaux s'est emparée le 8 décembre de Damas, après une offensive éclair menée depuis le nord de la Syrie.
La Syrie a désormais besoin d'un "flux d'aide massive", a déclaré lundi le responsable de l'aide humanitaire de l'ONU, en déplacement à Damas.
"Sept Syriens sur dix ont besoin d'aide maintenant", a affirmé Tom Fletcher, le chef du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ajoutant que l'ONU souhaitait "faire les choses en grand" pour venir en aide à la Syrie.
La chute de Bachar al-Assad a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et provoqué la fuite à l'étranger de six millions de personnes.
"Mon départ de Syrie n'était pas planifié et n'a pas non plus eu lieu durant les dernières heures de la bataille, contrairement à certaines allégations", a déclaré l'ancien président dans un communiqué en anglais.
"Moscou a exigé (...) une évacuation immédiate vers la Russie le dimanche 8 décembre au soir", a ajouté M. Assad, qui a dirigé d'une main de fer la Syrie pendant 24 ans, affirmant que son pays était désormais "aux mains des terroristes".
Le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, à la tête de la coalition rebelle, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
- Transition "crédible" -
Après 50 ans de règne sans partage du clan Assad, les nouvelles autorités s'emploient à rassurer les capitales étrangères, qui prennent peu à peu contact avec leurs dirigeants, dont Abou Mohammad al-Jolani, le chef de HTS, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmad al-Chareh.Lundi, l'Union européenne a annoncé envoyer un haut représentant à Damas.
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a affirmé que la Russie et l'Iran "ne doivent pas avoir de place" dans la Syrie de demain, et que l'UE soulèverait la question du devenir des bases militaires russes en Syrie avec le nouveau pouvoir.
L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, avait rencontré dimanche M. Jolani, devant qui il a souligné la nécessité d'une transition "crédible et inclusive", selon ses services.
Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont également établi des contacts avec HTS et la France envoie mardi une mission diplomatique à Damas, la première depuis 12 ans.
Face à une situation régionale inflammable, les pays occidentaux restent méfiants vis-à-vis de HTS, mais aucun ne veut passer à côté de l'opportunité de renouer les liens avec la Syrie, conscients du risque de fragmentation et de résurgence du groupe jihadiste Etat islamique, qui n'a jamais été totalement éradiqué du pays.
L'armée américaine a annoncé avoir tué lundi 12 membres de l'EI lors de frappes aériennes en Syrie.
Plusieurs pays et organisations avaient salué la chute d'Assad, disant cependant attendre de juger sur pièces l'attitude des nouvelles autorités, musulmanes sunnites, face aux minorités de ce pays multiethnique et multiconfessionnel.
Le Premier ministre chargé de la transition jusqu'au 1er mars, Mohammad al-Bachir, a promis de "garantir les droits de tous", alors que les Syriens tentent de reprendre une vie normale.
- "Nous voulons nos enfants" -
Dans un complexe militaire près de Damas, des habitants, dont des enfants, ont mis le feu à des maisons d'officiers de l'ancien gouvernement, selon des journalistes de l'AFP. Tables, armoires, chaises on été pillés auparavant.
A Lattaquié, le deuxième port de Syrie, sur la Méditerranée, des centaines d'hommes et quelques femmes membres des anciennes forces gouvernementales faisaient la queue à l'extérieur de bureaux où les nouvelles autorités leur ont demandé de venir rendre les armes.
"Nous en attendons au moins mille aujourd'hui", a dit à l'AFP le responsable des lieux, Mohamad Mustapha, 26 ans, ex-soldat originaire du bastion rebelle d'Idleb, dans le nord-ouest. Les nouvelles autorités procèderont à des enquêtes "sur leur passé" et "en cas de crime grave, ils seront transférés à la justice", explique-t-il.
Ayoush Hassan, originaire de la région d'Alep, dans le nord, cherche désespérément son fils depuis la chute d'Assad, à l'image de nombreux Syriens dont les proches ont disparu au cours du conflit et des décennies de répression.
"Nous voulons nos enfants, vivants, morts, brûlés, en cendres, enterrés dans des fosses communes", implore-t-il.
Israël, un autre pays voisin de la Syrie, a mené d'intenses frappes dans la nuit de dimanche à lundi sur des sites militaires dans la région côtière de Tartous, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.
Selon cette ONG, il s'agit des "plus lourdes" frappes israéliennes "depuis 2012" dans cette région, qui abrite une base navale russe, alors que l'armée israélienne affirme vouloir empêcher l'armement syrien de tomber aux mains d'extrémistes.
Plusieurs heures après les frappes, un complexe de dépôts de munitions était en flammes, encore secoué par des explosions.
"C'était comme un tremblement de terre. Toutes les fenêtres de ma maison ont été soufflées", a témoigné Ibrahim Ahmed, un employé d'un cabinet d'avocats âgé de 28 ans.
publié le 16 décembre à 22h11, AFP