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En Hongrie, des écoles victimes de la croisade d'Orban contre un pasteur rebelle

  • Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
    ©ATTILA KISBENEDEK, AFP - Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
  • Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
    ©ATTILA KISBENEDEK, AFP - Une éducatrice spécialisée s'occupe d'un élève de l'école John Wesley à Oroshaza, le 8 octobre 2024 en Hongrie
  • Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
    ©ATTILA KISBENEDEK, AFP - Csilla Novakne Finta, responsable de l'association des parents d'élèves de l'école maternelle, primaire et secondaire John Wesley, dans une salle de classe vide à Szeged, le 8 octobre 2024 en Hongrie
  • Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
    ©ATTILA KISBENEDEK, AFP - Des éducatrices spécialisées s'occupent de jeunes enfants à l'école John Wesley d'Oroshaza, le 8 octobre 2024 en Hongrie
  • Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
    ©ATTILA KISBENEDEK, AFP - Le pasteur Gabor Ivanyi, le 27 septembre 2024 à Budapest, en Hongrie
  • Mariann Balogh et son fils autiste Adam Balogh, devant l'école John Wesley, fermée administrativement en raison de sa situation financière, le 8 octobre 2024 à Szeged, en Hongrie
    ©ATTILA KISBENEDEK, AFP - Le pasteur Gabor Ivanyi, le 27 septembre 2024 à Budapest, en Hongrie

Fin août, la famille Balogh se préparait pour la rentrée d'Adam, son fils autiste de 18 ans, quand elle a appris la fermeture administrative soudaine de son école dans la ville hongroise de Szeged.

Une décision radicale des autorités, justifiée selon elles par la situation financière désespérée de l'établissement.

Pourtant tout sauf un hasard, selon son responsable, le pasteur méthodiste Gabor Ivanyi, à la tête d'un vaste réseau d'établissements désormais en péril. Mais bien l'aboutissement d'années de "persécution" par le Premier ministre Viktor Orban, accuse-t-il.

"Nous avions sorti les beaux habits, préparé le cartable" et Adam était "impatient de retrouver ses camarades", raconte à l'AFP sa mère Mariann, une vendeuse de 42 ans.

"Et sans crier gare, nous avons reçu un message nous disant qu'il n'y aurait pas école lundi. Je ne souhaite à personne de vivre cela".

Il a fallu plusieurs semaines pour trouver une solution de rechange, même si "rien ne pourra remplacer" l'établissement John Wesley, estime la responsable de l'association des parents, Csilla Novakne Finta.

"Les activités étaient vraiment adaptées" et les enfants atteints ou non d'un handicap apprenaient côte à côte, dit-elle.

- "Caricature du christianisme" -

Au total, 160 élèves, de la crèche au lycée, et une cinquantaine d'enseignants se retrouvent sur le carreau.

Soins pour SDF ou personnes âgées, éducation pour les enfants pauvres ou ayant des besoins éducatifs particuliers... L'église de Gabor Ivanyi gère une dizaine de structures caritatives en Hongrie.

Mais elle a déjà dû fermer cette année deux autres de ses écoles et céder à l'Etat la gestion de sept établissements.

Dans une autre vie, M. Ivanyi était le pasteur du protestant Viktor Orban: à son mariage, il avait prononcé une bénédiction derrière sa longue barbe blanche, avant de baptiser ses deux premiers enfants.

Or entre les deux hommes, le divorce est prononcé depuis que l'homme d'église, très respecté notamment pour sa dissidence sous le communisme, a émis des critiques pour le traitement réservé par le Premier ministre aux sans-abris ou aux réfugiés.

Ses problèmes ont commencé en 2011, quand le gouvernement a fait adopter par le Parlement, en réaction, un texte sur les églises, reconnaissant seulement une infime partie des 300 communautés religieuses existantes.

La sienne n'était pas sur la liste, se retrouvant privée de subventions, et le religieux a dénoncé des lois cousues sur mesure pour l'étrangler économiquement.

Dans un entretien à l'AFP, le frêle homme de 73 ans brocarde aujourd'hui "l'hypocrisie" du Premier ministre nationaliste qui se pose en défenseur de la chrétienté en Europe face à "l'invasion de migrants" et a érigé des murs aux frontières.

C'est "une amère caricature du christianisme", dit-il, fustigeant un pouvoir qui foule aux pieds "les principes bibliques".

- "Réconforter" -

Gabor Ivanyi a continué de payer tant bien que mal ses employés, sans s'acquitter des cotisations sociales.

Une "solution du désespoir" qui lui a valu en 2022 des contrôles fiscaux pour fraude, le gel des comptes bancaires et des poursuites pour agression de fonctionnaires. Il risque de cinq à dix ans de prison.

"J'espérais que le gouvernement retrouve ses esprits et qu'on puisse négocier" pour recevoir rétroactivement les fonds non versés, explique-t-il.

De son côté, le pouvoir assure "ne pas lui devoir un centime" et rejette "toute persécution religieuse" dans un pays "où les fidèles sont libres de suivre" l'obédience de leur choix.

Son église a accumulé "tant de dettes que les autorités n'avaient pas d'autre choix que d'intervenir", argue-t-il dans une déclaration à l'AFP.

Depuis, la communauté survit grâce à des dons, récoltant par exemple 44.000 euros lors d'un concert de bienfaisance le mois dernier.

Mais Gabor Ivanyi craint de ne pas pouvoir poursuivre sa mission et que d'autres institutions mettent la clé sous la porte, dans un pays d'Europe centrale accusé par Bruxelles de dérive autoritaire.

"Notre rôle ne peut pas se limiter à des sermons d'hommes en soutane, il s'agit de faire de bonnes œuvres", insiste le pasteur. "Apaiser, réconforter, nourrir".

publié le 12 novembre à 13h37, AFP

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