Oiseaux, train d'atterrissage, mur en bout de piste: des clés pour expliquer le crash meurtrier en Corée du Sud
Collision avec des oiseaux? Défaillance du train d'atterrissage? La faute à un mur solide en bout de piste? Les experts tentent d'expliquer le crash meurtrier d'un avion survenu dimanche dans le sud-ouest de la Corée du Sud, le plus grave accident aérien sur son sol.
Une vidéo diffusée par la chaîne locale MBC montre l'appareil, un Boeing 737-800 de la compagnie sud-coréenne low-cost Jeju Air, atterrir sur le ventre à l'aéroport de Muan, ses moteurs crachant de la fumée, avant de percuter un mur et de s'enflammer.
Sur les 181 passagers en provenance de Bangkok -- 175 voyageurs et six membres d'équipage --, seuls une hôtesse et un steward ont survécu.
-Les oiseaux impliqués
Pour les autorités, la cause présumée de la catastrophe est un choc avec des volatiles, hantise des pilotes surtout quand il s'agit d'avions à réaction dont les moteurs peuvent perdre en puissance ou s'arrêter après avoir aspiré un oiseau.
La tour de contrôle de l'aéroport avait envoyé un avertissement en ce sens à l'équipage du vol à trois minutes du crash. Le pilote avait lui émis un message d'alerte avant l'atterrissage d'urgence.
"Il est plausible que des canards, qui sont répandus dans la région, aient joué un rôle majeur dans l'accident", estime auprès de l'AFP Choi Chang-yong, professeur de sciences forestières à l'université nationale de Séoul.
Depuis 1988, les collisions aviaires ont causé 262 décès humains et détruit 250 avions dans le monde, selon l'Australian Aviation Wildlife Hazard Group (AAWHG), un groupe de travail spécialisé mis en place par l'aviation civile australienne. Ces chiffres ne prennent pas en compte le crash de Muan.
L'un des cas les plus célèbres d'incident aérien impliquant des oiseaux remonte à janvier 2009, quand le pilote d'un Airbus A320 de l'US Airways avec 155 occupants avait réussi à se poser avec sang-froid sur le fleuve Hudson à New York après une collision avec un groupe d'oies sauvages.
- Train d'atterrissage défaillant? -
Puisque le Boeing de Jeju Air a touché terre sur le ventre, la question d'une défaillance du train d'atterrissage consécutive à la collision avec des volatiles a été soulevée.
"Le train d'atterrissage utilise un système hydraulique" qui a néanmoins "besoin d'électricité", explique à l'AFP Kim Kwang-il, professeur de sciences aéronautiques à l'université coréenne de Silla et lui-même ancien pilote.
"Quand un gros oiseau a touché le moteur, cela a provoqué un incendie à l'intérieur. Cela a perturbé les systèmes électriques de l'avion, qui tournent grâce à un générateur alimenté par un moteur (...) Le choc de l'oiseau a probablement endommagé ces systèmes cruciaux, rendant le train d'atterrissage inopérant".
"L'avion ne peut voler indéfiniment" et, sans ces roues, "il doit atterrir sur le ventre", dit l'expert, précisant que les appareils sont néanmoins "conçus pour résister" à ce type de situation.
Lundi matin, un autre Boeing 737-800 de Jeju Air a eu un problème avec son train d'atterrissage. Le dysfonctionnement n'a été que momentané mais l'appareil est revenu à l'aéroport de Gimpo (nord-ouest) peu après son décollage, selon un responsable de la compagnie.
Séoul a annoncé lancer une "inspection complète" des 101 Boeing 737-800 utilisés par des compagnies du pays.
-Un mur en bout de piste
Toutefois, des critiques se focalisent de plus en plus sur l'architecture de l'aéroport.
"Malgré l'urgence, l'atterrissage a été remarquablement bien exécuté", souligne l'ancien pilote Kim Kwang-il, "assez contrarié" par la suite des événements.
Dans les vidéos du crash, on voit l'avion d'abord toucher terre sur le ventre et glisser sur le tarmac. Mais il se fracasse quelques secondes plus tard contre un mur. Sous le poids du choc, l'appareil se plie en deux et prend feu.
"Normalement, il n'y a pas de tel obstacle solide en bout de piste, c'est contre les standards de sécurité de l'aviation internationale recommandés par (...) l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et l'Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (AUESA). La structure en question a fait s'écraser et s'enflammer l'avion", affirme M. Kim.
"A l'extérieur de l'aéroport, il n'y a normalement que des grillages (...) qui n'engendreraient pas de dégâts importants. L'avion aurait pu déraper plus loin et s'arrêter naturellement", continue le spécialiste, assurant n'avoir "jamais vu ce genre de structure artificielle" ailleurs.
"La plupart des passagers sont morts à cause de cet obstacle, c'est bouleversant", conclut-il, appelant les autorités aéroportuaires à rendre des comptes.
Selon le vice-ministre en charge de l'aviation civile, Joo Jong-wan, cette barrière est un localisateur, "un type de système d'aide à la navigation" qui n'a pas de "conception standard ou uniforme".
Ces dispositifs se retrouvent dans d'autres aéroports du pays, "sur des monticules de terre, et des structures en béton ont été installées à l'intérieur" des buttes, décrit-il.
"Le lien entre ces localisateurs et l'accident sera minutieusement étudié au cours de l'enquête", certifie M. Joo.
publié le 30 décembre à 09h03, AFP