WhatsApp : ce qui nous rend accro
Si le légendaire groupe britannique The Cure a choisi WhatsApp pour diffuser des informations concernant la sortie de son dernier album, Songs of a Lost World, sorti vendredi 1er novembre, c'est sans doute parce que le réseau social n'a pas pris une ride depuis son lancement en 2009. D'après le site Data.ai. l'application à l'icône verte est la plus téléchargée par les Français après l'enseigne de shopping en ligne Temu en 2023. Elle est même l'application préférée chez les moins de 13 ans, selon la dernière étude Born social de l'agence Heaven. Simple d'utilisation, connue et pratiquée des adultes, lieu de toutes les conversations groupées, familiales ou professionnelles - pour le meilleur comme pour le pire - la messagerie instantanée permet de communiquer par texte, image, audio et vidéo... gratuitement.
Malgré sa mauvaise réputation, WhatsApp a redoré son blason auprès des chercheurs d'une étude baptisée "Social Media Use Leads to Negative Mental Health Outcomes for Most Adolescents" ("L'utilisation des réseaux sociaux entraîne des résultats négatifs en matière de santé mentale pour la plupart des adolescents"). La plateforme renforcerait les relations amicales sans avoir d'effets ni négatifs ni positifs sur le bien-être et l'estime de soi : "WhatsApp a eu un impact positif sur les relations amicales pour plus de trois quarts des adolescents, tandis qu'un groupe tout aussi important n'a ressenti aucun effet sur le bien-être et l'estime de soi", soulignent les chercheurs. Enfin, les parents la connaissent et se méfient probablement beaucoup moins de ses dangers ou de son caractère addictif par rapport à d'autres applications truffées de publicité.
Principe de désinhibition
Avouons-le, une discussion WhatsApp finit souvent par se transformer en discussion de comptoir qui tourne au vinaigre : votre mère poste un article conspirationniste, votre voisin balance une blague raciste ou votre collègue lâche un GIF olé olé... Tout ce que l'on n'oserait jamais faire en vrai. C'est ce que le psychologue John Suler qualifie de désinhibition en ligne, et qui concerne tous les réseaux sociaux. Conceptualisée dès 2004, année de naissance de Facebook, cette désinhibition de l'internaute repose sur plusieurs facteurs :
l'invisibilité : le fait d'être physiquement invisible,
l'asynchronicité : qui permet de déserter la conversation après avoir lâché une bombe,
l'introjection solipsiste : fantasmer, positivement ou négativement, la personne avec qui l'on dialogue sur Internet,
l'imagination dissociative : certains utilisateurs dissocient leur vie en ligne (qu'ils perçoivent comme une fiction) de leur vie hors ligne. Ils considèrent alors WhatsApp comme un jeu vidéo, sans penser aux conséquences dans la vie réelle,
la minimisation de l'autorité : contrairement à Instagram ou X qui affichent une certification partiellement fiable sur le profil des utilisateurs, WhatsApp n'établit aucune hiérarchie entre eux.
Ces mécanismes psychologiques, qui favorisent notamment le cybersexisme, s'ajoutent à la démultiplication des échanges (coucou les groupes dans tous les sens) et aux méthodes sophistiquées des plateformes pour accaparer notre attention, nous incitant à les consulter frénétiquement à longueur de journée.
Lanceurs d'alerte
Elles passent du gris au bleu, ou pas, et nous rendent parfois hystériques... Il s'agit bien de la double coche ! Symbole de la confirmation de lecture inventée par WhatsApp, elles nous rendent encore plus accro (et parano), encourageant l'utilisateur à répondre toujours plus vite. Qui n'a pas déjà reçu un "T'es en vie ??" après avoir ignoré un message, ou pire, avoir eu le malheur de désactiver cette option qui nous retourne le cerveau social. Accablé par la charge mentale, on s'invente alors une mission de taille : rassurer notre interlocuteur.
Sur WhatsApp, tout est fait pour amplifier nos réactions grâce à la fonction "partager". Qu'il s'agisse de nos derniers scores de pari en ligne, de ces images hallucinantes ou encore de cet article exceptionnel... On ne peut pas s'empêcher de partager car ce qui intéresse notre cerveau, ce n'est pas la vérité, mais la nouveauté. C'est l'effet Von Restorff ou "effet d'isolation", découvert en 1933 par Edwig von Restorff, une psychologue allemande qui analysait le traitement de l'information. Face à plusieurs informations similaires, notre cerveau retiendrait mieux celle qui sort du commun. Notre cerveau préfère toutes ces informations étranges et exclusives qui procurent un sentiment de supériorité, et les partager booste notre estime de soi, un peu comme si nous étions des lanceurs d'alerte.
Innovations en cascade
Aujourd'hui, chaque bug concernant l'application fait un tollé. Le dernier en date concerne des modèles d'iPhone, dont Meta estime qu'ils ne sont plus assez performants pour faire tourner correctement l'application. Si vous possédez par exemple un iPhone 5, 5C, 5S, SE, 6 et 6 Plus, vous ne pouvez plus utiliser WhatsApp depuis le 1ᵉʳ novembre. Pour rester à la page et offrir de nouvelles fonctionnalités à ses utilisateurs tout en respectant les protocoles de sécurité, l'application doit s'adapter aux systèmes les plus récents.
Cybersécurité : 10 bonnes pratiques pour bien gérer ses mises à jour
Les dernières améliorations en date ont alors permis d'intégrer certaines options telles que les messages vocaux, les vidéos instantanées ou encore les éditeurs de messages. Autre ajout récent : le verrouillage individuel des conversations. Vous pouvez désormais protéger certaines discussions avec un mot de passe ou une authentification biométrique. Cette fonctionnalité sécurise ainsi vos échanges privés et répond à une demande croissante des utilisateurs pour plus de confidentialité. Enfin, WhatsApp a introduit les channels ou canaux de diffusion (sur le même modèle que les canaux de diffusion sur Instagram) partageant des messages à grande échelle sans révéler le numéro des abonnés.
JOIN THE CURE OFFICIAL WHATSAPP GROUPhttps://t.co/zl9vORZ3cg#TheCure #SongsOfALostWorld pic.twitter.com/ZVJCwpTc1P- The Cure Forever (@TheCureForever_) September 16, 2024
Ces derniers jours, WhatsApp a également annoncé de nouvelles options de personnalisation des appels vidéo, avec notamment de nouveaux filtres et arrière-plans. Pour lutter contre la désinformation, les éditeurs testent actuellement une fonction de recherche d'images inversée afin de déterminer en un clin d'œil l'origine et la véracité d'une image reçue. Vous n'êtes pas prêt de raccrocher.
publié le 12 novembre à 10h49,