Coups de coeur

J'ai testé pour vous : Timeleft, l'application de dîners entre inconnus

D'après la Fondation de France, 1 personne sur 5 déclare se sentir régulièrement seule. Télétravail, absence de communauté, essor des compagnies low-cost pour s'évader à moindre frais... Lorsqu'on est actif dans une grande ville, réussir à créer des liens profonds est parfois compliqué. L'application Timeleft se présente comme un remède à la solitude, aux problèmes de dépression et aux familles éparpillées. Et pour les déçus des applis de rencontre, cette plateforme offre une alternative en créant un espace où chacun, quel que soit son profil, a sa place à la table. Le concept ? Dîner avec des inconnus, au restaurant. Une démarche révolutionnaire pour beaucoup puisque selon son fondateur, le Français Maxime Barbier (Cocorico !), l'application - dont le nom signifie "le temps qu'il reste" en fançais - a connecté plus de 40 0000 personnes avec plus de 7000 dîners depuis son lancement en 2022. Curieuse et gourmande, il ne m'en fallait pas plus pour m'inscrire.

Venez comme vous êtes, mais avec vos critères

"Nous sommes ravis de vous compter parmi nous. Vous venez de faire le premier pas vers une expérience nouvelle et excitante au sein de notre communauté." Ce message de bienvenue accompagné d'émoticônes en pagaille m'excitant moyennement, j'ai quand même hâte de découvrir comment l'application s'y prendra pour m'asseoir à table avec six inconnus. Et ça se prépare ! Si le dîner peut se faire en trois étapes, l'aventure Timeleft en comporte cinq. Certes, contrairement à une appli de rencontre, je n'ai pas à me prendre la tête sur la sélection de photos avantageuses, l'écriture d'une présentation débile ou le premier message à envoyer en cas de "match", à l'instar de Tinder ou Bumble. Je dois cependant communiquer mes critères en répondant à un test de personnalité de 40 questions. La spontanéité a ses limites. De mon statut à mon style musical, en passant par mon type d'humour et mon signe astrologique, rien n'est laissé au hasard pour que l'algorithme élabore une liste d'invités compatibles. Je peux aussi sélectionner le choix de la langue que je souhaite parler pendant le dîner et mes sujets de prédilection. Une fois cette première étape achevée, je prends ma place pour le prochain dîner. Les dîners ont lieu tous les mercredis à 20h. Comptez 13€ pour un ticket individuel et 20€ pour l'abonnement mensuel. Je reçois ensuite un mail de confirmation, avec les informations dont j'aurais besoin pour être rassurée : les critères de sélection des restaurants, un guide de comportement, et surtout, un rappel important pour les plus téméraires : Timeleft n'est pas une application de dating.

Le mardi soir, veille de l'événement, je reçois un troisième mail me proposant de découvrir quelques détails concernant la composition de mon groupe tels que l'âge moyen, les différentes nationalités, ou domaines d'activité. Histoire de faire monter la sauce, le nom et l'adresse du restaurant ne me sont communiqués que le lendemain matin. Je connais bien le quartier, mais pas le restau, j'espère avoir de bonnes surprises !

La cour des miracles

Si je ne connaissais pas le lieu, c'est peut-être parce qu'il semblait avoir été conçu spécialement pour l'application car ce soir-là, tous les groupes présents étaient réunis grâce à Timeleft. Arrivée avec un petit quart d'heure de retard (politesse oblige), je repère immédiatement une table de trentenaires mais un serveur me coupe dans mon élan en me demandant mon numéro de groupe. Il m'indique alors la table d'à côté, plus clairsemée (et à la moyenne d'âge plus élevée). Interloquée lorsque ma voisine soupçonne que le troisième groupe (situé dans la salle du bas) est celui "des plus jeunes", je m'assure auprès du serveur en lui donnant à nouveau mon n° de groupe qui me désigne finalement les escaliers pour rejoindre ma table. Ouf, je ne suis que l'avant-dernière arrivée. Me voilà désormais au centre d'une cène qui se joue à 7. Je demande à chacun son prénom et me surprend à le retenir, ce qui n'empêchera pas quelques moments de confusion. En face de moi, Charles n'en est pas à son premier dîner Timeleft. Cet acteur un peu particulier - il est handicapé - nous met immédiatement à l'aise avec son humour et ses mots d'esprit. Pas besoin du "jeu" proposé par l'application pour briser la glace. D'ailleurs, j'ose un "Qui est célibataaaaaire ?" Sur la table, aucun téléphone, on oublierait presque que notre présence est dûe à une application.

La parité est plutôt respectée : 3 filles et 4 garçons. Nous avons tous le même âge, mais pas tous le même profil, heureusement ! Entre les littéraires et les matheux, un drôle de jeu de chaises musicales s'opère, selon les affinités. Tracy la laborantine est la plus silencieuse, il y a aussi Lily, expatriée chinoise travaillant à La Défense qui est là pour améliorer son Français mais ne comprend qu'un mot sur deux ce qui rend difficile toute tentative de débat. Au fil de la discussion, j'essaie de me souvenir de mes réponses au test de personnalité. Je reconnais bien les efforts de l'algorithme pour tenter de faire coïncider les goûts de chacun. Un plus grand choix d'options aurait cependant été bienvenu. Pour la musique, par exemple, qui ne se résume pas au rock et au rap ou s'agissant de l'humour : il y a du monde entre Bidochon et Desproges.

Malgré une ambiance qui peut à tout moment prendre des airs de réunion d'Alcooliques Anonymes - il suffisait qu'un courageux ose montrer sa vulnérabilité en premier - le ton reste léger. L'acteur de la troupe ponctue de manière impromptue le small talk avec des citations d'auteurs russes balancées à vau-l'eau. Concernant l'assiette, elle est bien garnie. Poisson, burger, salade... les plats - une vingtaine d'euros chacun - sont variés et semblent appréciés. Ils sont arrosés d'un verre de vin pour quelques-uns. Malgré un serveur un peu trop attentif à nos conversations, je me sens bien dans ce petit groupe où je ne suis engagée à rien. Néanmoins, le comportement gentiment "cringe" en trahit certains et une pensée me traverse l'esprit : celle de ces jeunes Japonais prêts à payer pour louer un ami et pallier leur profonde solitude. Mais il faut vivre avec son temps paraît-il et je ne regrette pas cette expérience que je considère plus comme une distraction qu'un moment d'espoir de rencontres sérieuses et durables pour combler sa solitude (bien senti chez d'autres). La soirée se prolonge autour d'un verre et chacun rentre tranquillement de son côté. Y retournerai-je ? Je n'ai pas encore rempli mon feedback sur l'appli.

publié le 18 mai à 10h56,

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