Jean Rochefort, l'incarnation du gentleman à la française
par euronews-fr
Jean Rochefort décédé dans la nuit de dimanche à lundi, était un comédien éclectique, pudique et passionné, incarnation du gentleman à la française.Avec ses grandes moustaches, son air de séducteur farceur, Jean Rochefort restera comme l’une des grandes voix du septième art français par son timbre de voix unique, grave et pénétrant, immédiatement identifiable, à l’instar de Jean-Louis Trintignant ou de Philippe Noiret avec qui il avait si souvent tourné.“J’appartiens au patrimoine. Il y a le jambon de Bayonne, Noiret, Marielle et moi”, plaisantait l’acteur, qui a tourné dans près de 150 films. S’il s’est taillé une réputation dans les comédies, où il a souvent incarné des rôles de pince-sans-rire, Jean Rochefort était un acteur singulier, difficile à classer, avec cet air à la fois conventionnel et “fêlé”, comme le disait le réalisateur Patrice Leconte dont il était l’acteur fétiche. Son allure élancée le prédestinait aux rôles de cadres supérieurs. L’acteur a pourtant joué sur tous les registres: libertin cynique (“Que la fête commence” de Bertrand Tavernier), flegmatique valet anglais (“Les tribulations d’un chinois en Chine” de Philippe de Broca), pharmacien lâche (“Courage, fuyons” d’Yves Robert), père de famille adultérin (“Un Eléphant ça trompe énormément” d’Yves Robert), mari comblé (“Le mari de la coiffeuse” de Leconte), commandant de marine (“Le Crabe Tambour” de Pierre Schoendoerffer)... Il a promené sa silhouette longue et osseuse dans des films d’auteur ou grand public, de valeur parfois inégale. En 1987, dans “Tandem” de Patrice Leconte, où il interprète de manière poignante un animateur radio solitaire, il montre qu’il excelle autant dans le registre dramatique que comique. Sa longue carrière a été couronnée de trois Césars, pour ses rôles dans “Que la fête commence” en 1976, “Le Crabe-Tambour” en 1978, et un César d’honneur en 1999. Né le 29 avril 1930 à Paris dans une famille bourgeoise, Jean Rochefort vit une enfance plutôt terne, en partie à Nantes. “Dieu que je me suis ennuyé enfant”, confiait-il. Son goût pour le théâtre lui est communiqué notamment à travers les transmissions de pièces à la radio. Après la rue Blanche, il entre au Conservatoire et débute dans la compagnie Grenier-Hussenot à Paris. Sur les planches, il construit sa renommée aux côtés notamment de Delphine Seyrig et de Claude Régy. Il a près de trente ans quand il entame sa carrière au cinéma. Parti en URSS, il se marie et y reste un an. A son retour, il joue dans la série “Angélique” de Bernard Borderie. Dans les années 1970, il devient l’acteur favori d’Yves Robert (“Le grand blond avec une chaussure noire”, “Le retour du grand blond”, “Un éléphant ça trompe énormément”, “Nous irons tous au paradis”...) et acquiert son statut de vedette. C’est aussi le “chouchou” de Patrice Leconte, malgré une première rencontre catastrophique entre les deux hommes en 1975. “Autant Jean-Pierre Léaud, c‘était Truffaut jeune, autant Rochefort, c’est moi, vieux”, disait Leconte à l’Express. Jean Rochefort a aussi tourné avec Michel Audiard, Pierre Salvadori, Alain Cavalier, Francis Veber, Robert Altman… En 2015, à 85 ans, il avait incarné dans “Floride” de Philippe Le Guay, avec Sandrine Kiberlain, un ancien industriel en proie à la confusion mentale. Son chant du cygne puisqu’il annonçait, dans la foulée, qu’il mettait un terme à sa carrière. “Je ne veux pas faire de film d‘épouvante, donc il vaut mieux s’arrêter”, avait-il plaisanté sur Europe 1. Ce qui ne l’empêchait nullement d’enregistrer régulièrement, pour France 5, l‘émission des “Boloss des belles lettres” où il interprétait une oeuvre du patrimoine littéraire en langage de la rue. En privé, Jean Rochefort, réfractaire à la “starisation”, était un passionné de cheval: il avait atteint un niveau de compétition et possédait un haras dans les Yvelines, où il a vécu jusqu‘à ses 80 ans. Atteint de dépression, son psychiatre lui avait recommandé de fuir la campagne. “Parti à 30 ans de Paris, j’y suis revenu à 80”, s’amusait-il avec son mélange habituel de sérieux et d’humour. Père de cinq enfants de trois femmes différentes – Alexandra Moscwa, Nicole Garcia et Françoise Vidal -, Jean Rochefort regrettait d’avoir été un “mauvais père” accaparé par sa carrière.
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