Corée du Nord : que cache l'exécution de Jang Song-taek?

par euronews-fr

L’exécution de l’oncle de Kim Jong-un cache-t-elle une fébrilité du régime nord-coréen ou une volonté de son leader d’affirmer son autorité absolue?Le jeune maître de la Corée du Nord s’est débarrassé de son ancien mentor, un haut dignitaire du régime, avec une violence inouïe et inhabituelle. Arrêté et humilié en public, Jang Song-taek a été reconnu coupable de haute trahison et de complot contre l‘État à l’issue d’un procès express, au cours duquel il s’est vu reprocher également des abus d’alcool et de drogue ainsi qu’un manque de ferveur lors des discours du son neveu. Condamné à la peine de mort, il a aussitôt été exécuté, comme avant lui deux de ses conseillers. Y-a-t-il derrière cette exécution une volonté d’utiliser la peur pour éteindre toute voix dissidente en Corée du Nord? Cette purge au sommet de l‘État pourrait bien se poursuivre.‘‘D’autres doivent trembler dans leurs bottes’‘, Aidan Foster-Carter, spécialiste de la Corée du NordPaul McDowell, euronews : Que signifie l’exécution de Jang Song-taek pour la Corée du Nord et le monde qui regarde? Pour en discuter, nous recevons Aidan Foster-Carter, qui étudie la Corée du Nord depuis plus de quarante ans. Aidan, on parle d’un geste brutal, sans avertissement. C’est un message très fort, qui semble être envoyé aux Nord-Coréens.Aidan Foster-Carter : C’est un message extraordinairement puissant et d’une certaine façon, inédit. Bien sûr, c’est un régime stalinien. Des purges comme celle-là ne sont pas nouvelles, mais elles sont généralement bien plus discrètes : des individus disparaissent subitement ou, si ils sont très vieux, on évoque une maladie. Ce qui surprend dans cette purge, c’est qu’elle soit effectuée de manière aussi publique. De plus, les charges retenues contre Jang Song-Taek, qui est l’oncle par alliance du leader nord-coréen, étaient multiples, et la population a pu lire, par exemple, qu’il était accusé de vouloir fomenter un coup d‘état militaire. Généralement, ce n’est pas le genre de discours que l’on entend en Corée du Nord.Paul McDowell, euronews : A quel point cette purge pourrait s’avérer risquée?Aidan Foster-Carter : Je pense que c’est risqué. Il y a de deux points de vue sur ce sujet, et on sera assez vite fixé. Le premier point de vue, qui n’est pas le mien, est que cette purge montre à quel point le jeune leader est puissant, qu’on a sous-estimé Kim Jong-Un et que, malgré ses 30 ans, il a aujourd’hui suffisance confiance en lui pour diriger sans son oncle et mentor, donc il envoie un message très fort. C’est peut-être ça. Personnellement, je pense que sa façon de procéder, aussi publiquement, est un facteur de risque. On pensait que la transition politique, depuis la mort de son père était stable, que l’essentiel de l’activité politique résidait dans le fait que le jeune leader essayait de régner avec son vieil oncle, en faisant reculer l’armée, qui avait un certain nombre de privilèges sous Kim Jong-il. Mais en fait aujourd’hui, il y a des divisions dans les plus hautes sphères du parti. Et Jang Song-taek ne devrait pas être la dernière victime. D’autres doivent être en train de trembler dans leurs bottes et d’attendre que leur heure vienne également.Paul McDowell, euronews : Pour finir Aidan, que peut faire le monde extérieur?Aidan Foster-Carter : Pas grand chose. La Chine est la clé. Elle avait pris une position stratégique il y a longtemps. Mais, même si elle n’aime pas vraiment la Corée du Nord, elle craint le chaos qu’engendrerait un effondrement du pays, avec des armes nucléaires en perdition etc. C’est une perspective bien pire que celle d’aujourd’hui. La Chine va donc serrer les dents, elle va continuer à essayer de changer la Corée du Nord à travers le commerce et le développement. C’est une politique qui pourrait peut-être fonctionner long terme, mais qui va plutôt à l’encontre des sanctions de l’ONU. On a entendu cette semaine qu’une autre ville frontière nord-coréenne avait signé un accord en vue d’accueillir des investissement chinois. Ça s’est passé après la condamnation de Jang Song-Taek, qui était d’ailleurs en charge des questions économiques avec la Chine. Donc pour eux, c’est un business habituel. Pour le reste, c’est un spectacle sinistre à regarder.

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