Attaquée, la presse réagit
par euronews-fr
L’assassinat de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia a provoqué l’indignation. Ce jeudi, huit journaux dont Le Monde, The New York Times, The Guardian ou El Pais, ont réclamé une enquête indépendante sur ce meurtre dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne. Selon le Baromètre des violations de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, 47 journalistes ont déjà été tué.e.s depuis le début de l’année, et 176 autres emprisonné.e.s.C’est dans ce contexte que l’association de journalistes Freedom Voices Networks a lancé cette semaine, à Washington aux Etats-Unis, une plate-forme en ligne intitulée Forbidden Stories (“histoires interdites”). Ce projet permet d’héberger et de sécuriser le travail d’investigation des journalistes menacé.e.s à travers le monde pour éviter que leur enquête ne disparaisse avec leur éventuel assassinat ou emprisonnement.Euronews s’est entrenue ce vendredi avec Laurent Richard, journaliste d’investigation français et fondateur de “Forbidden Stories”.euronews : En cas de menaces, que peut faire le ou la journaliste ? Laurent Richard : Le mode de fonctionnement est très simple. On propose aux journalistes qui sont en danger, qui se sentent menacés, et où qu’ils se trouvent à travers la planète, de nous joindre en utilisant au choix l’un des trois moyens de communication proposés et décrits sur notre site https://www.forbiddenstories.org. Ils pourront ainsi nous transmettre des éléments de leur enquête. Si jamais il leur arrive quelque chose, nous serons en mesure de pouvoir poursuivre leur travail. euronews : Pourquoi avoir créé cette plate-forme ?Laurent Richard : Le constat est assez clair. Quand un journaliste meurt, non seulement le journaliste disparaît – et c’est une atteinte très grave à la liberté de la presse – mais en plus, son enquête meurt souvent avec lui. La mission de Forbidden Stories est de redonner vie à cette enquête-là. Quand un journaliste disparaît, qu’il est arrêté et/ou exécuté, c’est bien souvent parce qu’il travaillait sur une enquête sensible. Et ces enquêtes sensibles – même si elles sont menées loin de chez nous en France et que ces journalistes meurent loin de chez nous – nous concernent puisqu’elles portaient sur l’environnement, sur la corruption, sur le blanchiment d’argent… Donc l’affaire d’un journaliste qui meurt à l’autre bout du monde, c’est l’affaire de tous. Et c’est l’affaire aussi de la défense d’une valeur, celle de la liberté de la presse qui est un pilier fondamental de nos démocraties.euronews : Est-ce que c’est un moyen de montrer aux prédateurs de la liberté de la presse que tuer un journaliste n’aura plus de conséquences puisque l’enquête continuera malgré tout ?Laurent Richard : Absolument. L’une des missions de notre plate-forme est d’envoyer un signal très fort aux ennemis de la presse pour leur dire que c’est trop tard. Si vous touchez à ce journaliste-là, c’est trop tard et peut importe qu’il se trouve en Azerbaïdjan, au Mexique ou ailleurs, d’autres journalistes à Paris, à Munich, à New York et dans le reste du monde seront prêt à prendre le relai et à poursuivre et publier le travail que vous ne vouliez pas voir. Donc c’est une forme de signal très fort que nous souhaitons envoyer aux organisations criminelles, aux dictateurs, et à tous ceux qui ne respectent pas une presse libre.euronews : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de monter ce projet ?Laurent Richard : Ce qui provoqué un déclic chez moi, c’est l’attentat contre Charlie Hebdo. C‘était nos voisins de bureau ici à Premières lignes télévision, l’agence de presse où je travaille à Paris. Le fait de voir des collègues, des confrères assassinés au milieu de la capitale a été un déclic et ça m’a donné l’idée et l’envie de construire une plate-forme qui aurait pour objet de poursuivre les enquêtes des journalistes qui ont été assassinés ou qui ont été arrêtés.
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