La Provence a posé trois questions François Gemenne, auteur du sixième rapport du Giec
par La Provence
Les études se multiplient et dressent toujours le même constat : près de 40% des Français seraient climatosceptiques. Un terme un peu vague qui, si l'on se penche dessus, comme l'a fait l'association Parlons Climat dans une enquête en novembre, apporte des nuances. On se rend compte que si 85% des gens se disent préoccupés et conscients des bouleversements climatiques, de plus en plus doutent de l'origine humaine de ces changements. Le chiffre oscille entre 37 et 43% selon les enquêtes, progressant fortement d'une année sur l'autre. "Les difficultés économiques croissantes, cette fameuse fin du mois plutôt que fin du monde, l'impact des fake news qui circulent plus facilement que la parole des scientifiques, ainsi que le sentiment "qu'agir pour le climat, c'est sacrifier nos intérêts pour les générations futures ou les pays du Sud", figurent parmi les explications de cette vague croissante du doute", indique François Gemenne. Chercheur et politologue spécialiste du climat, auteur de nombreux ouvrages, le Belge, co-auteur du sixième rapport du Groupement intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), en mars 2023, était l'invité d'un forum organisé par le groupe Engie et nos confrères de Gomet, la semaine dernière à Martigues. Graphiques et chiffres à l'appui, il montre que 2014 fut l'année la plus chaude jamais enregistrée sur la planète. Et que ce record est régulièrement battu depuis. "Cela va continuer, quoi que nous fassions", assène-t-il pour expliquer le premier des trois "malentendus" qui poussent beaucoup d'entre nous à repousser ou douter de ces vérités. "On n'a pas pris la mesure du caractère structurel du changement climatique: on considère que c'est exceptionnel, alors qu'il n'y aura pas de retour à la normale. On va pourtant devoir engager des transformations de long terme, parce que plus on attendra, moins on aura le choix. L'acceptabilité sociale de la transition doit se transformer en désirabilité". Deuxième malentendu, celui qui consiste à croire que tout est noir ou blanc. "Le changement climatique n'est pas binaire, mais graduel, reprend le spécialiste. Chaque dixième de degré, chaque tonne de CO² rejetée dans l'atmosphère fait une énorme différence. Tout va compter, chaque action fera une différence bien plus grande qu'imaginée". Une manière de nous dire que rien n'est perdu, même s'il y a urgence. "On a encore la possibilité de décider quel sera le niveau de hausse des températures auquel on sera exposé de notre vivant. C'est là que tout va se jouer. Si c'est binaire, on va se décourager". Le troisième malentendu est sans doute le plus complexe à accepter sans baisser les bras. "On sait que les gaz à effet de serre que nous rejetons dans l'atmosphère ont une durée de vie très longue. Plusieurs siècles, jusqu'à 4 500 ans pour le CO². Tant que nous continuerons à émettre, le taux de concentration augmentera, même si on ralentit l'activité, assure François Gemenne.
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