Une "vraie fausse" monnaie diffusée illégalement pendant 10 ans par l’Etat français
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En fouillant les archives de la Banque de France pour une enquête, Yannick Colleu, féru de métaux précieux, a fait une étonnante découverte "qui vaut son pesant d’or". L’État français a mis en circulation une fausse monnaie pendant 10 ans dans le plus grand secret.
Tout commence en 1951. La France fait face à de grandes difficultés financières d’après-guerre et tout l’or a été fondu pour acheter des munitions. Le ministre des Finances de l’époque trouve alors une solution pour calmer le marché… de manière illégale. Au total, 37,5 millions de "fausses" pièces auraient été frappées. Voilà l’étonnant secret révélé au grand public par Yannick Colleu, auteur de l'ouvrage L’Or des Français. L'expert en métaux précieux, qui a rencontré Ouest France, revient sur près d’une décennie d’intégration illégale de pièces en or frappées en toute discrétion.
"De 1951 à 1960, le ministre des Finances, avec l’aval de la Banque de France, a fait fabriquer et diffuser des copies de monnaies d’or." C’est ce qu’a constaté Yannick Colleu, en se plongeant dans les archives de la Banque de France : "On a repris les designs à l’identique des pièces de 20 francs frappées de 1907 à 1914, de type « coq » et démonétisées en 1926. Puis on les a remis en circulation sans rien dire."
"Un secret de Polichinelle", évoqué au Parlement il y a 50 ans
Malgré les réticences au sein du Conseil Général de la Banque de France, les fausses monnaies sont frappées, sans décret comme c’est la norme habituellement. Le gouverneur envoie simplement une lettre "qui indique que c’est son prédécesseur qui avait pris l’initiative" a expliqué le passionné de 72 ans. "Ce n’est même pas mentionné dans le rapport annuel de l’Administration des Monnaies et Médailles" a même précisé Yannick Colleu.
Mais très vite, ces pièces commencent à poser question. Même si les copies sont minutieusement réalisées, imitant à la perfection les anciens modèles, leur brillance flambant neuve attise la suspicion des professionnels. "On a crié au faux !, raconte Yannick Colleux. En janvier 1952, la Banque de France est contrainte de sortir un communiqué pour s’expliquer."
"C’est un secret de Polichinelle", a confirmé Arnaud Manas, responsable du service du patrimoine de la Banque de France : "cette information a par ailleurs été évoquée au Parlement en 1976." En plus de la supercherie, ces "vraies fausses" monnaies avaient une teneur en or inférieure au titre officiel d’or. Les détenteurs de ces pièces ont été ainsi lésés malgré le fait que la Banque de France n’y voyait que du feu puisqu’elles étaient reconnues au même titre que les vrais napoléons.
publié le 7 novembre à 22h37, Teddy Perez, 6Medias