Dans le sud de l'Inde, des artisans perpétuent la tradition du jouet en bois
Des étagères jusqu'au sol s'entassent chevaux à bascule, trotteurs ou poupées en bois laqué... Dans la ville de Channapatna, dans le sud de l'Inde, la petite usine de Rupa a des allures d'atelier du père Noël.
Ici, à quelques dizaines de kilomètres de la mégapole de la "tech" indienne, elle perpétue, avec quelque 2.500 autres artisans, une tradition plusieurs fois centenaires qui résiste encore et toujours à la vague du jouet en plastique.
"J'ai eu envie d'apprendre à faire des jouets en regardant ceux qui les fabriquaient dans mon quartier, tout simplement", confie-t-elle.
L'artisanat du jouet est né à Channapatna au XVIIIe siècle, lorsque le sultan Tipu, jadis à la tête du royaume de Mysore, a invité des artistes venus de Perse à enseigner leur technique à des locaux.
Leurs produits ont connu une récente poussée d'intérêt lorsque l'ex-Première dame des Etats-Unis Michelle Obama en a acheté quelques exemplaires dans la capitale New Delhi, à l'occasion d'une visite officielle de son président de mari.
Submergés par la concurrence des jouets bon marché produits à échelle industrielle, notamment en Chine voisine, les artisans de la ville sont parvenus à garder la tête hors de l'eau, notamment en sacrifiant à la mécanisation.
"Dans le passé, chaque travail exigeant des artisans dûment formés à chaque étape de la fabrication. Maintenant, grâce aux machines, quelques-uns seulement suffisent", explique B. Venkatesh, 53 ans, à la tête de deux ateliers.
Sa petite entreprise tourne plutôt bien, avec un carnet de commandes garni de 200.000 jouets.
Ses ouvriers utilisent du curcuma, de l'indigo et d'autres teintes naturelles pour créer la palette des couleurs originales qui recouvriront leur production en bois d'ivoire rose, une essence rare.
"Quand on sèche correctement l'ivoire rose et qu'on y applique de la laque et des teintes végétales, les jouets peuvent garder leur couleur pendant des centaines d'années", assure B. Venkatesh.
Certainement plus longtemps que son industrie, selon l'artisan, qui redoute de voir son art "disparaître à long terme" faute d'aide.
Ce mois de mars, le gouvernement a promis un plan de soutien qui vise à faire de l'Inde un "hub" mondial de l'artisanat du jouet en bois.
Insuffisant, tranche B. Venkatesh, qui requiert l'ouverture d'école de formation pour perpétuer la tradition auprès de jeunes artisans.
Au-delà de la survie d'un secteur d'activité économique, il s'agit ni plus ni moins que de sauver un art. "Fabriquer des jouets me rend tout simplement joyeuse", résume Rupa.
publié le 13 mars à 23h09, AFP