Politique

La réforme des retraites peut-elle être jugée inconstitutionnelle ?

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la gauche, le RN et l’exécutif pour un examen du texte. Selon le constitutionnaliste Dominique Rousseau, interviewé par Capital et Midi Libre, il existe un risque que le texte soit entièrement jugé inconstitutionnel.

La réforme des retraites peut-elle encore être retoquée ? La décision est désormais entre les mains des Sages. Après l’adoption du texte de la réforme des retraites lundi 20 mars, via l’utilisation de l’article 49-3, la gauche, le Rassemblement national et l’exécutif lui-même ont annoncé la saisine du Conseil constitutionnel. Selon le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, interviewé par Capital et Midi Libre, "il y a un risque très grand de voir la loi censurée pour des raisons de procédures."

Tout d’abord, le gouvernement a choisi de faire passer la réforme des retraites par un budget rectificatif de la Sécurité sociale, afin, entre autres, de pouvoir facilement dégainer le 49-3. "Dans un tel texte, il ne peut y avoir que des dispositions qui ont un objet directement financier, précise le constitutionnaliste. Si ce n’est pas le cas, alors certaines mesures peuvent être considérées comme des cavaliers budgétaires." Ce pourrait être le cas pour l’index senior.

Limitation du temps et manque de clarté des débats

Le constitutionnaliste pointe ensuite deux autres "griefs d’inconstitutionnalité". Le premier : l’utilisation de "l’article 47" fait pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale de l’année en cours. Cet article impose des débats raccourcis : 20 jours pour l’Assemblée nationale et 15 pour le Sénat. "Il n’y avait aucune raison objective d’utiliser cet article", précise le constitutionnaliste, considérant que la réforme des retraites n’est pas urgente.

Et le deuxième grief ? L’atteinte au principe de "clarté et de sincérité du débat parlementaire", selon Dominique Rousseau. L’Assemblée nationale n’a pas voté de texte et s’est arrêtée à l’article 2 alors qu’il y avait 20 articles, tandis qu’au Sénat, l’article 38 a permis à la majorité de limiter le débat. "Les sages pourront juger que le principe de clarté et de sincérité a été considérablement, gravement, manifestement malmené", constate le constitutionnaliste.

Les juges du Conseil constitutionnel ont désormais un mois pour statuer. En cas de censure par les Sages, le texte ne pourra être adopté. Et tant pis pour le gouvernement, selon Dominique Rousseau, car il a été prévenu "à plusieurs reprises que la voie n’était pas la bonne. Le gouvernement s’est entêté en pensant qu’au bout du compte cela finirait par passer."

publié le 22 mars à 08h20, Orange avec 6Medias

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