Politique

Fraude : Michel Barnier veut lier carte Vitale et carte d'identité, reprenant une idée de... Gabriel Attal

© Alexis Jumeau/ABACA

Le Premier ministre souhaite "sécuriser les cartes Vitale en les adossant aux cartes d'identité biométriques", dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale. Mais selon plusieurs organismes, l'impact serait minime et comporterait des risques de piratage des données de santé privées.

Gabriel Attal en avait fait une priorité en tant que ministre de l'Action et des comptes publics puis en tant que Premier ministre, sans jamais la concrétiser : son idée de fusion carte Vitale-carte d'identité pourrait-elle lui survivre ? Elle semble en tout cas séduire son successeur à Matignon, Michel Barnier, qui y voit lui aussi un outil efficace pour lutter contre la fraude sociale. Concrètement, détaille BFMTV, il s'agirait de créer une nouvelle génération de cartes d'identité biométriques qui incluraient les informations de la carte Vitale, dont le numéro de sécurité sociale. Un seul et même document, donc, sous forme de carte à insérer dans son portefeuille, ou sur mobile via l'application France identité, qui permettrait aux pharmaciens, par exemple, d'être assurés que la personne face à lui est bien titulaire des droits à l'Assurance maladie. Cette sécurité concernerait toutefois plus particulièrement les détenteurs de cartes Vitale sans photo, lesquels se font de plus en plus rares.

Un impact marginal

L'idée, au moment où elle avait été mise en avant par Gabriel Attal en 2023, avait fait l'objet d'études menées par des spécialistes dans le domaine. En avril 2023, l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont publié un rapport. Et ce dernier douche quelque peu les espoirs de Michel Barnier de pourfendre la fraude sociale. En effet, selon ce document, l'adossement de la carte Vitale à la carte d'identité pourrait n'avoir un impact que très marginal contre la fraude, qui concerne au maximum entre 3 et 5 % des prestations sociales, mais émane aux trois quarts des professionnels de santé. Seul le quart restant est du fait des assurés. "Les deux principaux postes de préjudice identifiés sont la fraude aux indemnités journalières et la fraude aux conditions de ressources qui permettent l’accès à la complémentaire santé solidaire et donc à une prise en charge intégrale des frais de santé". Comme le souligne BFM, ces fraudes n'ont donc pas de lien avec une utilisation indue de la carte Vitale. "La fraude à l’usurpation d’identité, qui est précisément celle qu’une carte Vitale biométrique pourrait mettre en échec, est résiduelle en nombre de cas détectés (moins d’une dizaine par an) et en montant (quelques millions d’euros)" concluent l'IGF et l'IGAS.

Autre organisme émettant de grosses réserves sur cette fusion, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) met en garde contre les risques, bien réels, d'exposer ses données de santé privées à de potentiels pirates. Au printemps 2023, la Cnil avait recommandé, dans un rapport, d'inscrire les informations de la carte Vitale dans une puce "cloisonnée" de la carte d'identité biométrique, afin que seuls les professionnels de santé puissent y avoir accès. Ce qui impliquerait de modifier la structure de la carte d'identité biométrique. Le renouvellement total du parc nécessiterait un délai de plusieurs années.

Reste donc à savoir si ces doutes quant à l'efficacité d'un tel projet dissuaderont Michel Barnier de le mener jusqu'au bout.

publié le 4 octobre à 16h08, Sabrina Guintini, 6Medias

Liens commerciaux