Elections générales au Tchad: faible affluence à l'ouverture du vote
Les bureaux de vote du Tchad ont ouvert dimanche matin avec une faible affluence à N'Djamena pour les élections générales, présentées par le pouvoir comme la dernière étape de la transition politique mais boycottées par l'opposition qui les juge jouées d'avance.
"J'appelle tous mes compatriotes inscrits sur la liste électorale à sortir massivement pour voter" en ce "jour historique", a déclaré le chef de l'Etat, le maréchal Mahamat Idriss Itno, sur sa page Facebook, illustrée par des images de son propre vote pour ce triple scrutin législatif, provincial et local.
En miroir, les partis d'opposition n'ont cessé d'appeler à l'abstention. "Il vaut mieux rester chez vous", a ainsi déclaré samedi le chef du parti "Les Transformateurs", Succès Masra dans un long direct Facebook en critiquant un "système construit sur le mensonge et le vol électoral" et en appelant au "changement" pour développer le pays, l'un des plus pauvres au monde.
Les 8,2 millions d'électeurs inscrits peuvent voter jusqu'à 18H00 (17H00 GMT).
Dimanche matin à N'Djamena, dans les bureaux de Farcha et de Ardeb Timane, dans la commune du 1er arrondissement ou réside la famille présidentielle et les dignitaires du pouvoir, les urnes étaient presque vides et on invoque le "froid" pour expliquer l'apathie des électeurs.
- "Changement "-
Patrice Lumumba Deoumoundou, un chômeur de 39 ans, lui, a choisi d'accomplir son "devoir" en espérant "un changement dans tous les domaines", plus d'emploi, moins de prix en hausse, "plus de justice", "plus d'égalité". "Rien n'a encore été fait", a-t-il dit en souhaitant des "actions positives".
Comme le veut la tradition, nomades, policiers et militaires avaient commencé à voter dès samedi, avec un "record historique" de participation, selon l'Agence nationale de gestion des élections (Ange): avec plus de 72% de votes exprimés dans l'armée et plus de 54% pour la population nomade. Cette forte mobilisation "s'explique par les enjeux locaux de ces élections couplées qui sont une première" au Tchad, a-t-elle estimé.
Pour les militaires, voter est "un devoir", comme l'a dit à l'AFP le général Ahamat Mahamat Abakar, en charge du centre d'instruction de Koundoul, au nord de N'Djamena.
"Les nomades sont venus demander à ceux qui seront élus demain d'améliorer leurs conditions de vie", a expliqué à l'AFP le cheik Djibrine Hassabakarim, un de leurs représentants dans un campement proche de N'Djamena, en pointant une dégradation liée au changement climatique - mortalité des bêtes, heurts avec les cultivateurs sédentaires, difficulté pour nourrir les familles.
Le vote se déroule dans 26.617 bureaux de vote à travers le pays, en présence d'une centaine d'observateurs étrangers mais aussi de représentants des différents partis politiques.
Samedi soir, le parti démocratique du peuple tchadien (PDPT, opposition) a dénoncé la disparition de plus de mille bulletins de vote destinés à la sous-préfecture de Bongor et invité à la "vigilance" pour "contrecarrer les réseaux de fraude" selon lui mis en place par le parti au pouvoir, le MPS, et par l'Ange.
Le scrutin intervient dans un contexte géopolitique mouvant, avec le retrait en cours de l'armée française après la rupture d'un accord de coopération militaire remontant à la fin de la colonisation, des attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans la région du lac Tchad et des accusations récurrentes d'ingérence dans le conflit qui ravage le Soudan voisin.
Les dernières législatives remontent à 2011. L'Assemblée devait être renouvelée en 2015 mais il y eu plusieurs reports successifs justifiés par la menace jihadiste, les difficultés financières, l'épidémie de coronavirus et la transition qui a suivi le putsch militaire après le décès du maréchal Deby père, tué par des rebelles après trente ans de pouvoir sans partage. Puis, un parlement de transition composé de 93 membres a été désigné par décret présidentiel en 2021.
En recevant son grade de maréchal le 21 décembre, le chef de l'Etat a affirmé que son accession au pouvoir avait "évité au pays de sombrer dans le chaos" et vanté sa "marche vers le progrès".
L'opposition, elle, dénonce un régime qu'elle juge autocratique et violemment répressif. Dans son intervention samedi, Succès Masra a rappelé le "bain de sang" lors de la manifestation de l'opposition le 20 octobre 2022 et les "tirs de joie" mortels des forces de l'ordre, le 9 mai 2024, à la victoire au premier tour de Mahamat Idriss Itno, avec 61,3% des voix et une participation de 75%.
publié le 29 décembre à 11h37, AFP