Présidentielle en Croatie : le sortant Milanovic contraint d'affronter son rival conservateur au second tour
Le président croate sortant, Zoran Milanovic, a manqué de peu de gagner dimanche l'élection présidentielle dès le premier tour, en remportant environ 49% des voix, et devra affronter, dans deux semaines, le candidat des conservateurs au pouvoir, Dragan Primorac.
Un sondage sortie des urnes avait donné dans un premier temps le chef de l'Etat sortant vainqueur dès le premier tour, le créditant de 51,5% des voix.
Mais quelques heures plus tard, les résultats quasiment définitifs publiés par la Commission électorale l'ont infirmé, même si son score élevé reste une surprise.
M. Milanovic, dont la candidature a été soutenue par le Parti social-démocrate (SDP), a remporté 49,1% des voix, contre 19,35% pour son rival. Or, le dernier sondage, datant du vendredi, le créditait de 37% des intentions de vote au premier tour.
Selon les premiers commentaires, il s'agit d'un revers important infligé à l'Union démocratique croate (HDZ) du Premier ministre Andrej Plenkovic, dont M. Milanovic est un farouche critique.
"Aujourd'hui, c'était la première manche (...) Ne soyons pas triomphalistes, soyons réalistes (...) mais je suis convaincu que nous nous dirigeons vers la victoire", a déclaré M. Milanovic, 58 ans, devant plusieurs centaines de ses partisans.
"Je me battrai pour la Croatie qui a des positions claires et qui est préoccupée par ses intérêts", a-t-il ajouté.
Son adversaire s'est voulu rassurant et a balayé un écart de 30 points de pourcentage.
"A première vue, cette différence est grande (...) mais elle représente un défi pour moi (...) Notre patrie ne peut plus supporter la division (intérieure, NDLR) et la marginalisation dans le monde", a lancé M. Primorac à ses sympathisants.
- "Est" ou "Occident" -
Selon lui, l'avenir de la Croatie, pays des Balkans et du bassin méditerranéen de 3,8 millions d'habitants, membre de l'Union européenne (UE) et de l'Otan, se joue à ce scrutin.
"Jugez bien qui mène notre patrie vers l'Est, et qui le conduit vers l'Occident", a-t-il lancé.
Ce médecin de 59 ans et ancien ministre des Sciences et de l'Education (2003-2009) a fait campagne en se présentant comme "unificateur", en évoquant les valeurs familiales et le patriotisme.
Milanovic et Primorac sont suivis par deux femmes, Marija Selak Raspudic (centre droit) et Ivana Kekin (gauche écologiste), qui ont remporté chacune environ 9% des voix.
Les Croates ont voté dimanche, entre Noël et le Nouvel An, nettement moins nombreux qu'aux législatives en avril. La participation a été de 46%, contre 62% aux législatives. Plus de 51% des électeurs avaient voté au premier tour de la présidentielle en 2019.
En Croatie, le président est le chef des armées et il est le représentant sur la scène internationale du pays. S'il a peu de pouvoirs, il est vu par les Croates comme garant de l'équilibre des pouvoirs.
Le président actuel est "la dernière barrière pour empêcher que tous les leviers du pouvoir tombent entre les mains du HDZ", estime ainsi Nenad Horvat, un électeur de Zagreb.
Le scrutin se déroule avec en toile de fond une inflation importante, une corruption généralisée et une pénurie de main-d'œuvre.
Durant la campagne, les deux principaux candidats ont échangé insultes et moqueries.
Pour M. Milanovic, Dragan Primorac est "faux comme un billet de 13 euros et ennuyeux comme un match amical".
Pour M. Primorac, Zoran Milanovic est "un président pour qui rien n'est sacré, ni la patrie, ni le travail" et qui "se lève à 11H30".
- "Plus de sérieux" -
Ancien dirigeant du SDP et Premier ministre, M. Milanovic est un homme politique au verbe tranchant qui est passé de la promesse d'une Croatie "progressiste, moderne et ouverte", au début de son mandat actuel, à une rhétorique populiste.
Il a dénoncé l'agression russe contre l'Ukraine, tout en critiquant l'aide militaire fournie pas les Occidentaux à Kiev.
La Croatie a tout de même fourni à l'Ukraine une aide, notamment militaire, à hauteur de 300 millions d'euros.
Cette politique lui a valu d'être qualifié par le Premier ministre de "pro-russe" qui "détruit la crédibilité de la Croatie auprès de l'Otan et de l'UE".
Il affirme vouloir empêcher que la Croatie soit "entraînée dans la guerre" en Ukraine.
"Tant que je suis président, aucun soldat croate n'ira faire les guerres des autres", a-t-il déclaré.
Jure Tomicic, un informaticien de 35 ans, est inquiet en raison des guerres en cours. "Nous avons besoin à la tête de l'Etat d'un dirigeant qui comprendra cette situation avec plus de sérieux, sans faire des blagues", a-t-il déclaré à l'AFP.
Marija Civcija, retraitée de 76 ans, veut que "le président remette de l'ordre dans le pays" et qu'il "corrige" le gouvernement.
publié le 30 décembre à 01h11, AFP