Géorgie : un nouveau président loyaliste désigné en pleine crise politique
Un collège électoral dominé par le parti au pouvoir en Géorgie a désigné samedi au poste de chef de l'Etat le loyaliste d'extrême droite Mikheïl Kavelachvili, au cours d'un vote boycotté par l'opposition qui risque d'accentuer la crise politique dans ce pays du Caucase.
Connu pour ses diatribes contre les détracteurs du pouvoir, M. Kavelachvili était officiellement le seul candidat car l'opposition a refusé de siéger au Parlement et n'a proposé personne pour ces fonctions essentiellement symboliques.
L'actuelle cheffe de l'Etat, la pro-occidentale Salomé Zourabichvili, avait jugé ce scrutin illégal et dit qu'elle refuserait de rendre son mandat tant que de nouvelles législatives n'auraient pas été organisées.
"Au fil des années, certaines forces, notamment extérieures, ont exploité l'institution présidentielle pour diviser la société", a déclaré, après le vote, le Premier ministre Irakli Kobakhidzé aux journalistes.
"Sous la présidence de Mikheïl Kavelachvili, elle retrouvera sa mission constitutionnelle et sa dignité", a-t-il assuré.
Cette ex-république soviétique connaît des troubles depuis que le parti qui le dirige, Rêve géorgien, a revendiqué la victoire aux législatives du 26 octobre - qualifiées de truquées par l'opposition - et que le gouvernement a décidé fin novembre de suspendre jusqu'en 2028 toute négociation d'adhésion à l'UE.
Une décision à l'origine de manifestations chaque soir à Tbilissi de milliers de personnes accusant le pouvoir de vouloir remettre la Géorgie dans l'orbite de Moscou.
- Ballons de foot -
Samedi, de nouveaux rassemblements d'opposants, organisés par différents groupes, ont eu lieu dans le calme dans la capitale.
Devant le Parlement, des Géorgiens, en majorité des jeunes, ont fait des passes avec des ballons de football pour tourner en dérision Mikheïl Kavelachvili, qui est un ancien footballeur professionnel.
D'autres plus âgés ont apporté leur diplôme pour souligner que le nouveau président désigné n'en avait pas.
"La Géorgie ne perd jamais son sens de l'humour", a commenté Salomé Zourabichvili sur les réseaux sociaux, estimant que le vote avait été "une parodie de la démocratie".
A l'annonce de la désignation du président, Giorgi Tsamalachvili, 21 ans, a continué à jouer au foot devant le Parlement. La procédure est "illégitime", a dit cet étudiant à l'AFP, car, avant cela, les législatives d'octobre avaient été "falsifiées".
Agé de 53 ans, M. Kavelachvili est accusé par les protestataires d'être un pantin du milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie, fondé le parti Rêve géorgien et dirige la Géorgie en coulisses depuis 2012.
- Sapin de Noël -
La valse des ballons de foot contraste avec les affrontements violents qui avaient marqué les dix premiers jours du mouvement de manifestations, au cours desquelles plus de 400 protestataires avaient été interpellés.
La soirée a toutefois été marquée par un regain de tension devant le Parlement.
Y était en effet initialement prévue l'illumination d'un sapin de Noël géant par le maire de la capitale Kakha Kaladzé, un autre ex-footballeur international lui aussi membre de Rêve géorgien. Ce que les milliers de manifestants présents voyaient comme une provocation compte tenu du contexte. Ils ont alors hué, sifflé et qualifié d'"esclaves" les responsables du parti au pouvoir.
Plusieurs dizaines d'entre eux ont brandi les photos de victimes présumées de violences policières.
Acclamée pendant ce rassemblement, Salomé Zourabichvili y a réclamé "de nouvelles élections" qui sont selon elle "essentielles pour obtenir la paix et la justice" en Géorgie.
"C'est pour cela que nous sommes ici - calmement, tranquillement et sans agitation", a-t-elle ajouté.
Le maire Kakha Kaladzé a finalement annoncé le report de l'illumination en raison de "l'opposition radicale", selon lui, présente sur place.
Un cordon de policiers antiémeutes a ensuite empêché des partisans du parti Rêve géorgien, supposément présents pour l'inauguration, et les manifestants pro-UE d'être en mesure de s'affronter sur l'avenue.
Le report de l'illumination est "une petite victoire" car elle montre que le pouvoir en place "ne peut pas tout faire comme il le veut", a commenté auprès de l'AFP Irina Matchavariani, qui manifestait avec sa mère.
Lasha Kvlividze, un étudiant de 22 ans, espère quant à lui que le "parti au pouvoir s'en ira" à force de voir les opposants "manifester ici à nouveau".
publié le 14 décembre à 20h00, AFP