A Islamabad, l'opposition dispersée après sa démonstration de force
Islamabad a retrouvé mercredi embouteillages et activité commerçante après un bras de fer entre les partisans de l'ex-Premier ministre Imran Khan et les autorités, soldé par un millier d'arrestations et cinq membres des forces de l'ordre tués.
A l'issue d'une journée mardi marquée par la mort de quatre paramilitaires, renversés selon les autorités par des manifestants à bord d'un véhicule, dans la nuit, des tirs ont retenti dans la ville où des véhicules incendiés éclairaient des quartiers plongés dans le noir.
Au matin, plus aucun manifestant n'était visible, seuls restaient des cendres et des débris que des employés municipaux s'activaient à faire disparaître.
Le parti de M. Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), annonçait avoir "annulé pour le moment" sa mobilisation, alors même que la veille au soir, l'ancienne star du cricket appelait depuis sa prison ses soutiens à converger plus nombreux encore vers le quartier gouvernemental de la capitale pakistanaise, D-Chowk.
La police, elle a annoncé "954 arrestations, dont 610 mardi", tandis que le Premier ministre Shehbaz Sharif assurait en soirée à ses ministres que "les émeutiers seront traités avec une main de fer".
Après 24 heures de bras de fer dans la rue, pour Michael Kugelman, chercheur au Wilson Center, "il n'y a pas de vainqueur" entre le PTI et le gouvernement soutenu par la toute-puissante armée.
En mettant à l'arrêt la capitale, ses écoles et internet, "l'armée et le gouvernement ont attisé la colère des gens contre eux", affirme M. Kugelman.
"Le PTI, lui, a subi les foudres de l'Etat et a battu en retraite (...) sans rien changer", poursuit-il.
- Le dialogue ou le chaos -
Et leur "affrontement grandissant ne fait que détourner l'attention des crises économiques et sécuritaires" dans un pays qui a connu ces dernières semaines des attaques jihadistes et séparatistes ayant tué des dizaines de soldats et policiers, des violences entre sunnites et chiites qui ont fait plus de 110 morts, et ne survit financièrement que sous perfusions internationales.
Pour la Commission pakistanaise des droits humains (HRCP), il est temps que "le gouvernement et l'opposition entament immédiatement un dialogue politique constructif".
Ils doivent "se mettre d'accord pour avancer pacifiquement plutôt que de jouer sur les sentiments de leurs militants pour mettre le pays à l'arrêt et, ce faisant, entamer la liberté de mouvement et surtout le gagne-pain des autres", poursuit la principale ONG de défense des libertés du pays.
Mercredi soir, le Premier ministre Sharif a répondu: le PTI n'est pas un parti mais "des saboteurs et des séditieux" avec lesquels "il faut en finir à tout prix" car "les manifestations ont fait perdre chaque jour 190 milliards de roupies au pays", soit 650 millions d'euros.
En face, un proche de M. Khan, Ali Amin Gandapur, chef du gouvernement provincial du Khyber-Pakhtunkhwa d'où étaient partis les manifestants, a affirmé mercredi que "le mouvement n'(était) pas terminé".
"Il continue partout où sont les militants du PTI avec les mêmes revendications", a-t-il martelé lors d'une conférence de presse durant laquelle l'épouse de M. Khan devait s'exprimer mais n'est finalement pas apparue.
Jusqu'au milieu de la nuit, aux portes de D-Chowk, Bushra Bibi, la femme de M. Khan sortie de prison il y a un mois, avait galvanisé la foule - environ 10.000 personnes, la plus importante dans la capitale depuis l'incarcération de M. Khan - avant de disparaître.
"Il n'y a qu'une seule femme derrière ce chaos", lançait alors depuis le quartier ultra-sécurisé où siègent le gouvernement, le Parlement et les plus hauts tribunaux du pays, le ministre de l'Intérieur Mohsin Naqvi, excédé.
- Force "excessive" -
M. Naqvi a annoncé que les écoles, fermées depuis lundi, rouvriraient "jeudi", tandis qu'internet, coupé pendant les défilés, revenait.
Félicitant ses troupes pour avoir "courageusement repoussé les manifestants", il a ordonné de "lever les barrages" et de "nettoyer" après avoir "inspecté les dégâts causés par les hors-la-loi".
Depuis dimanche - jour du départ des convois de manifestants depuis les provinces voisines d'Islamabad - les autorités ont déployé plus de 20.000 membres des forces de sécurité dans et autour de la capitale.
Des centaines de containers barraient les rues désertées par des habitants résignés face aux rodomontades de Bushra Bibi, Ali Amin Gandapur et les militants du PTI qui juraient qu'ils ne "partiraient pas" avant la libération d'Imran Khan, emprisonné pour une centaine d'affaires.
Amnesty International a condamné un "usage illégal et excessif de la force" alors que, toute la journée de mardi, les forces de sécurité ont tiré des salves de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc sur les manifestants qui répliquaient en renvoyant les grenades et en jetant pierres et bâtons.
publié le 27 novembre à 18h32, AFP