Violences sexuelles dans l'Eglise: un audit pointe les Missions étrangères de Paris
© VLADIMIR SIMICEK, AFP - Un total de 63 cas de violences sexuelles ont été répertoriés depuis 1950 au sein des Missions étrangères de Paris (MEP)
C'est un nouvel épisode dans le scandale des violences sexuelles qui secouent l'Eglise: les Missions étrangères de Paris (MEP) sont pointées dans 63 cas depuis les années 1950, selon un audit qui n'exclut pas un total réel "largement supérieur".
"Entre 1950 et 2024, 63 incidents de violences sexuelles ont été répertoriés dans 14 pays. Ils ont impliqué 46 prêtres sur les 1.491 ayant exercé sur cette période", affirment jeudi les MEP dans un communiqué résumant le rapport du cabinet indépendant GCPS Consulting.
Dans le détail, huit cas "avérés" peuvent être légalement qualifiés "de délits ou de crimes", explique le rapport. Sur les 55 cas restants, "46 pourraient également être qualifiés de délits ou de crimes si les faits étaient confirmés".
Les MEP, société catholique de missionnaires fondée en 1658, avaient annoncé en mai 2023 cet audit. Il s'agissait alors d'un "travail complémentaire" à celui de la Ciase, qui avait documenté, en octobre 2021, l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Eglise catholique depuis 70 ans.
Le rapport révèle que 29 allégations concernent des mineurs (pour 15 autres, l'âge des victimes n'est pas connu). Et dans 60% des cas, les victimes sont des femmes ou des filles.
Le plus grand nombre de signalements concerne la France (19), la Thaïlande (10) et le Cambodge (7). Les MEP revendiquent aujourd'hui 150 prêtres et 17 séminaristes dans 14 pays, essentiellement en Asie.
Une grande partie des violences auraient eu lieu dans les années 1970 (19 cas) et 2010 (16). Sur la période 1950-1970, très peu de cas ont été recensés (les rares semblant "particulièrement graves"), ce qui peut s'expliquer "par la faible sensibilisation" et des "normes et pratiques de l'Église quasiment inexistantes à l'époque".
- "flou" -
Car le rapport le souligne: le nombre total d'allégations, sur une période de 74 ans, "est faible", et l'analyse "basée sur des données parcellaires".
Il est "probable" que le total réel "est largement supérieur" au nombre de cas recensés, selon le rapport, qui avance comme hypothèses qu'"un certain nombre de cas n'ont pas été signalés" et que les MEP "n'étaient pas en mesure" de les repérer.
Même s'il reste en-deçà de la réalité, cet audit est "une étape essentielle", affirme à l'AFP Véronique Margron, la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), en remerciant les MEP d'avoir "pris à bras le corps ce scandale qui les touche, brise des vies, dénature l’Eglise catholique".
Elle juge "indispensable" que chaque victime soit "rencontrée, si elle le souhaite, accompagnée et autant que possible réparée".
Dans leur communiqué les MEP s'engagent à "soutenir" et "protéger toutes les victimes", et à "mettre en œuvre les recommandations" du rapport: plan de prévention, généralisation de la formation, développement d'une politique de signalement... "Une cartographie des risques doit également être développée", ajoute le communiqué.
S'il salue "le volontarisme actuel" de la direction des MEP, le rapport note toutefois certaines "résistances internes parfois fortes" que les auditeurs ont pu rencontrer lors de leurs entretiens (170 personnes rencontrées et près de 4.000 documents examinés).
Ce rapport intervient alors que l'Eglise en France continue de faire face à des révélations de violences sexuelles, telles que celles concernant l'Abbé Pierre depuis l'été dernier.
Pour le prêtre Camille Rio, lanceur d'alerte sur les MEP qui lui ont depuis signifié son renvoi, ce rapport doit constituer un "point d'étape, pas une conclusion". "Il faut à présent une enquête romaine ou une visite apostolique", ajoute-t-il, en déplorant "une impunité incompréhensible" au sein de l'Eglise.
Les MEP s'étaient retrouvées dans la tourmente lorsque leur ancien dirigeant de 2016 à 2021, l'évêque de La Rochelle Georges Colomb (déchargé de son office), a été mis en examen en novembre 2023 pour tentative de viol sur un homme majeur.
L'évêque auxiliaire de Strasbourg Gilles Reithinger a ensuite quitté ses fonctions en février 2024, après s'être défendu d'avoir couvert cette affaire.
publié le 12 décembre à 18h06, AFP