Verdict historique attendu au procès hors norme des viols de Mazan
Les 51 accusés au procès des viols de Mazan iront-ils tous en prison, comme l'a réclamé l'accusation? Les juges suivront-ils au contraire les avocats de la défense, qui ont plaidé des dizaines d'acquittements? Jeudi matin, la cour criminelle de Vaucluse rend son verdict, très attendu.
Après trois mois et demi d'audience et trois jours de délibéré, les cinq magistrats de la cour criminelle annonceront, à partir de 09H30, le sort qu'ils ont décidé de réserver à ces hommes âgés de 27 à 74 ans, de tous milieux sociaux, venus agresser sexuellement Gisèle Pelicot, préalablement sédatée par son époux d'alors, Dominique, à leur domicile de Mazan (Vaucluse).
La décision, qui sera rendue dans un palais de justice d'Avignon placé sous haute protection policière, sera scrutée de près, en France comme à l'étranger, tant ce procès a provoqué, depuis son ouverture le 2 septembre, une onde de choc, devenant emblématique des questions autour des violences sexistes et sexuelles, de la soumission chimique, du consentement et plus largement des rapports hommes-femmes.
Sauf surprise, le principal accusé, Dominique Pelicot, 72 ans, qui a reconnu avoir drogué pendant une décennie son épouse Gisèle aux anxiolytiques pour la violer et la livrer à des dizaines d'inconnus qu'il recrutait sur internet, devrait écoper de la peine maximale de 20 ans de prison réclamée par le ministère public.
Mais son avocate, Béatrice Zavarro, espérait encore mercredi, auprès de l'AFP, que la cour "s'éloigne un petit peu du quantum proposé par l'accusation" et prenne en compte "le parcours de vie pas choisi" de son client, et notamment ces "traumas" qu'il aurait subis durant son enfance, dont un viol à neuf ans.
- Trentaine de demandes d'acquittement -
La grande inconnue réside dans les peines dont écoperont ses coaccusés, la cour devant nécessairement individualiser ses sanctions, et dans l'acquittement dont pourraient ou non bénéficier certains.
Fin novembre, le ministère public avait réclamé de 10 à 18 ans de réclusion contre 49 d'entre eux, jugés pour viols aggravés, et quatre ans de prison contre le dernier, seulement poursuivi pour "attouchements" sur Gisèle Pelicot.
Ces réquisitions sont plus sévères que la moyenne des condamnations pour viols en France, qui était de 11,1 ans en 2022, selon le ministère de la Justice.
Laure Chabaud, l'une des deux représentantes du ministère public, avait espéré que la décision de la cour dépasse le sort de ces accusés et envoie "un message d'espoir aux victimes de violences sexuelles". Ce verdict devra constituer un guide "dans l'éducation de nos fils, car c'est par l'éducation que s'impulsera le changement" pour "une prise de conscience collective, sociétale", avait-elle insisté.
A l'inverse, les avocats de la défense ont formulé une trentaine de demandes d'acquittement pour leurs clients qui, selon eux, ont été "manipulés" par le "monstre", le "loup" ou encore "l'ogre" Dominique Pelicot.
Ils "n'avaient pas l'intention" de violer son ex-épouse, âgée aujourd'hui de 72 ans, et n'ont dès lors pas commis de crime au sens du code pénal, ont-ils plaidé.
- 86 médias étrangers -
La tension risque d'être palpable au sein même de la salle d'audience, où un important dispositif policier est prévu dans le cas où la cour annoncerait des mandats de dépôt contre les 32 accusés ayant comparu libres.
Pour leur faire de la place, seuls quatre médias - dont l'AFP - sur les près de 180 accrédités, dont 86 étrangers, pourront assister à la lecture du verdict dans la salle d'audience principale. Les autres journalistes l'écouteront depuis plusieurs salles annexes.
A l'extérieur du tribunal, des actions de collectifs féministes sont prévues pour apporter leur soutien à Gisèle Pelicot et fustiger "la culture du viol".
Hors norme par sa durée, le nombre d'accusés, mais surtout l'atrocité des faits reprochés, ce procès a déjà marqué l'histoire. Dans les rangs des associations féministes et des parties civiles, l'espoir est grand de le voir faire évoluer les mentalités sur les viols, tentatives de viols et agressions sexuelles déclarés chaque année par plus de 200.000 femmes en France.
Cette affaire aura également permis d'incarner le fléau des victimes d'agressions sexuelles, notamment par l'usage de la soumission chimique, à travers la figure de Gisèle Pelicot, qui de victime anonyme s'est muée au fil des semaines en une icône féministe exhortant les femmes "à ne plus se taire" afin que "la honte change de camp".
publié le 19 décembre à 04h44, AFP