Orange avec Media Services, publié le mercredi 08 février 2023 à 09h30
Les agriculteurs manifestent notamment contre l'interdiction par le gouvernement le 23 janvier d'utiliser les néonicotinoïdes, des insecticides qui bénéficiaient d'une dérogation lorsqu'ils étaient utilisés dans le cadre de la culture de la betterave sucrière.
Des centaines de tracteurs convergeaient vers Paris mercredi 8 février pour la première fois depuis trois ans. Objectif : manifester contre les "contraintes" pesant sur l'agriculture, les restrictions d'usage des pesticides et notamment l'interdiction des néonicotinoïdes. "Près de 500 tracteurs" et "plus de 2.000 paysans" sont annoncés par le premier syndicat agricole, la FNSEA.
Leur arrivée Porte de Versailles, dans le sud de Paris, où de nombreux policiers ont été déployés pour encadrer la manifestation, a commencé dès 8H15.
Un peu avant 8H00, le cumul de bouchon était de 354 kilomètres en Ile-de-France, un chiffre "exceptionnel pour cette heure-ci", selon le site Sytadin, mis en ligne par la préfecture d'Ile-de-France.
Le cortège partira de la Porte de Versailles, où se tiendra dans moins d'un mois le Salon international de l'agriculture. Sur leurs tracteurs ou groupés dans des autocars, les agriculteurs chemineront ensuite jusqu'à l'esplanade des Invalides, dans le centre. La dispersion est prévue en début d'après-midi, via un quai bordant la Seine.
Plusieurs sources de colère
"La circulation, très fortement perturbée dans un large périmètre, du boulevard périphérique aux septième et quinzième arrondissements parisiens, sera rétablie progressivement" dans la journée, a prévenu mardi la préfecture de police de Paris. "Il est vivement recommandé aux automobilistes de contourner largement le secteur pendant toute la durée de l'évènement", a-t-elle ajouté alors que mercredi est aussi une journée de grève notamment à la SNCF.
Les agricultures sont mobilisés contre la décision du gouvernement le 23 janvier de renoncer à autoriser les insecticides néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière. La mesure fait suite à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne estimant illégale toute dérogation. Mais là n'est pas l'unique doléances des producteurs : ces derniers mois, les agriculteurs se sont rassemblés par petits groupes à travers le pays, ici pour dénoncer la hausse de leurs coûts de production du fait de la flambée des prix de l'énergie, là pour réclamer de stocker de l'eau pour irriguer leurs cultures.
"L'agriculture va disparaître"
Les néonicotinoïdes, toxiques pour les abeilles et interdits depuis 2018, bénéficiaient d'une dérogation depuis deux ans. Ce qui permettait de les appliquer préventivement sur les semences de betteraves pour les prémunir de la jaunisse, une maladie virale propagée par des pucerons. "Comme utilisateur de néonicotinoïdes, je n'ai pas l'impression d'empoisonner le monde", s'agace le cultivateur et militant syndical Damien Greffin.
Il préside la section FNSEA du Grand Bassin parisien qui rassemble 12 départements céréaliers du nord de la France et est à l'initiative de la manifestation, avec le syndicat des planteurs de betteraves CGB, aussi affilié à la FNSEA. La Fédération nationale du syndicat agricole majoritaire leur a emboîté le pas en appelant "à se mobiliser à partir du 8 février à Paris et jusqu'au 20 février dans toute la France". Pour Damien Greffin, "à ce rythme-là l'agriculture va disparaître".
"Des impasses de solutions"
L'agriculteur de l'Essonne cite en exemples l'interdiction de l'insecticide phosmet qui "compromet" la culture de cerises, ou celle - prochaine - d'un désherbant pour les endives. Plus largement, selon la FNSEA, "les agriculteurs se retrouvent aujourd'hui en butte à des contraintes réglementaires de tous ordres qui freinent les projets innovants dans les territoires (irrigation, bâtiments d'élevages...)". "Ils sont aujourd'hui confrontés à des impasses de solutions face à des menaces sanitaires sur les cultures ou face à la prédation", reproche aussi l'organisation, en référence aux interdictions de pesticides et aux attaques du loup sur les troupeaux.
Pas d'union syndicale
Deuxième syndicat représentatif, la Coordination rurale a affirmé avoir proposé à la FNSEA Grand bassin parisien de se joindre à la manifestation et essuyé un refus. Quant à la Confédération paysanne, troisième syndicat qui se mobilisait mardi contre la réforme des retraites, elle a déploré dans un communiqué que "d'autres" manifestent "pour continuer à utiliser des néonicotinoïdes et refuser toute avancée écologique". "L'ambition de progrès social fait face ici aux positions les plus réactionnaires et conservatrices", a estimé l'organisation classée à gauche.
La dernière grosse mobilisation remonte au 27 novembre 2019, quand un millier de tracteurs avaient mené des opérations escargot sur le périphérique. Les manifestants dénonçaient, déjà, un durcissement des règles concernant l'épandage de pesticides de synthèse avec la création de zones de non-traitement (ZNT), des bandes de quelques mètres à proximité des habitations où il est interdit de recourir à ces substances.