France

Enseignement : le rectorat de Versailles a-t-il envoyé d'autres courriers ambigus ?

© Huchot-Boissier Patricia/ABACA - Le rectorat de Versailles de nouveau dans la tourmente à la suite de courriers envoyés à des enseignants.

En pleine tourmente après avoir envoyé un courrier de reproche aux parents du jeune Nicolas qui s'est suicidé à la suite de faits présumés de harcèlement, le rectorat de Versailles rechignerait à apporter son aide à des enseignants.

Le rectorat de Versailles a-t-il livré toutes ses vérités ? Il y a quelques jours, nos confrères de BFMTV révélaient un courrier dans lequel ses services menaçaient les parents du jeune Nicolas. Ce dernier s'est suicidé peu après la rentrée, et une enquête avait révélé qu'il avait été victime de faits présumés de harcèlement dans son établissement l'année dernière à Poissy (Yvelines). Mais l’académie de Versailles avait envoyé un courrier aux parents de l’adolescent, qui s’étaient plaints du harcèlement subi par leur fils et de la passivité du chef d'établissement. À tel point que l'ancienne rectrice avait dû s'excuser dans les colonnes du Parisien.

Aujourd'hui, Le Parisien révèle de nouvelles informations. Le service juridique du rectorat enverrait des courriers ambigus à certains professeurs de l'académie. En effet, l'Éducation nationale peut prendre en charge des honoraires de conseil dans le cas où des enseignants veulent se faire assister par un avocat. Il s'agit d'une "protection juridique des fonctionnaires victimes de préjudices liés à l’exercice de leur fonction". Elle est accordée par courrier. Or, dans certains de ces courriers dont Le Parisien a eu connaissance, le service juridique se serait adonné à certains commentaires. Le premier cas concerne un professeur du Val-d'Oise, accusé par une élève d'attouchements.

Cet enseignant a déposé une main courante pour "injures" et "propos calomnieux", mais dans la lettre écrite par le rectorat, on lui reproche son comportement : "J’observe que deux de vos comportements sont de nature fortement inappropriés, voire fautives. (…) Vous avez eu un geste inapproprié envers une élève en la touchant avec des feuilles de papier", est-il écrit, avant de lui rappeler que "la cheffe d’établissement (lui) a confirmé le caractère inadmissible de cet acte". On lui indique néanmoins qu'il peut bénéficier de la protection fonctionnelle, alors que l'élève a depuis été exclue du collège pour avoir injurié le professeur.

Plusieurs procédures disciplinaires

Une hérésie pour son avocat qui a écrit au recteur en lui demandant que la décision soit retirée parce qu’elle "contient des propos diffamatoires, et fait état de circonstances non fondées sans rapport avec la demande formulée". Me Stéphane Colmant précise qu'il n'y a pas eu de "débat contradictoire" et lance encore : "Ce n’est pas la première fois que je constate que les décisions accordant la protection fonctionnelle sont détournées par vos services pour adresser des reproches à des enseignants du rectorat de Versailles." L'autre cas, c'est celui d'une enseignante de SVT des Yvelines. En 2021, elle avait utilisé une photo de Soprano afin de représenter l’homo sapiens dans un tableau sur l’évolution. Se disant victime d'une "fatwa numérique", elle demande alors une protection fonctionnelle.

Elle est accordée, mais le rectorat estime que l’enseignante n’a pas été "expressément identifiée" sur Facebook et que le problème a été réglé avec le père de famille à la suite d'une conciliation. Mais dans le contexte de la décapitation de Samuel Paty, l'homme a été jugé et finalement condamné… à six mois de prison ferme. Selon Me Stéphane Colmant, le rectorat voudrait que les enseignants ne "fassent pas de vagues" et on dissuaderait "les gens en leur mettant la pression". Il y aurait aussi de nombreuses procédures disciplinaires, comme ce professeur qui s'était positionné pour l'intégration… d'un élève handicapé. Le rectorat de Versailles n'a pas fait de commentaires auprès du Parisien. En présentant son plan interministériel contre le harcèlement scolaire, Gabriel Attal a révélé que "sur les 120 courriers de réprobation envoyés aux familles, 55 posent question". Le ministre a martelé qu'il y avait "un seul objectif : que la peur change de camp".

publié le 25 septembre à 17h35, Xavier Martinage, avec 6Medias

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