France

"Il n'y a rien qui va changer": au nord de Mayotte, l'amertume, malgré la visite de Macron

  • Une femme devant sa boutique détruite dans le village de Bouyouni à Mayotte le 19 décembre 2024
    ©DIMITAR DILKOFF, AFP - Une femme devant sa boutique détruite dans le village de Bouyouni à Mayotte le 19 décembre 2024
  • Une femme devant sa boutique détruite dans le village de Bouyouni à Mayotte le 19 décembre 2024
    ©DIMITAR DILKOFF, AFP - Le village de Bouyouni à Mayotte, le 19 décembre 2024
  • Une femme devant sa boutique détruite dans le village de Bouyouni à Mayotte le 19 décembre 2024
    ©DIMITAR DILKOFF, AFP - Dans le village de Bouyouni à Mayotte, le 19 décembre 2024
  • Une femme devant sa boutique détruite dans le village de Bouyouni à Mayotte le 19 décembre 2024
    ©DIMITAR DILKOFF, AFP - Le village de Trevani, à Mayotte, le 19 décembre 2024

"M. Macron, apportez des provisions, sinon ce n'est pas la peine de venir!", lance Mouatamou Mzemamou dans la cour de l'école où il dort. Son village de Bouyouni (Mayotte), totalement ravagé, n'a toujours vu aucune aide de l'Etat arriver, cinq jours après le passage du cyclone Chido.

"Il n'y a rien qui va changer. S'il amène des vêtements, des solutions, alors oui, mais s'il vient juste pour voir des maisons qui sont cassées, c'est rien en fait", poursuit cet adolescent de 18 ans, qui découvre la venue du président de la République à Mayotte, jeudi.

Les communes du nord de Mayotte ont payé un tribut particulièrement lourd au cyclone le plus ravageur en près d'un siècle dans la région.

Ces villages pauvres constitués de nombreux quartiers informels sont en ruine, au milieu d'une végétation à terre. La route nationale qui longe la côte a été déblayée mais aucune distribution d'eau ou de nourriture n'a encore été organisée.

L'adolescent de 18 ans avait pris conscience du danger du cyclone en voyant les mesures de sécurité prises dans l'entreprise au sein de laquelle il est en stage. Mais dans son quartier, "tous les voisins croyaient que c'était +kavou+ (rien)", poursuit-il, et très peu l'ont suivi quand il s'est abrité à l'école.

- "Humiliant" -

"Ma chambre est inondée alors je reste ici", raconte-t-il. Ils sont quelques dizaines, en majorité des femmes et des enfants, à dormir à même le sol, sans possibilité de se laver ni vêtements de rechange. La réserve d'eau est vide depuis longtemps et en tout et pour tout, une association est passée déposer un carton de blancs de poulet.

"C'est humiliant: on ne va plus aux toilettes tellement elles puent. Les gens ont les mêmes habits depuis que le cyclone est passé, ils vont tomber malades à force de les porter", lance le garçon.

Les Mahorais doivent compter sur la solidarité et les initiatives personnelles.

Depuis dimanche, Chad Youyou, un éducateur de 40 ans, multiplie les allers-retours entre le nord-ouest de Mayotte et Mamoudzou pour répondre aux besoins, en ressassant sa colère.

"Depuis cinq jours, il n'y a pas d'aide et c'est inadmissible pour un Etat comme la France, s'épanche-t-il. Ça montre vraiment que la France méprise l'île. On n'a pas vu les services de l'Etat, les secours civils, rien".

M. Youyou possède notamment les murs d'un restaurant où s'organise la solidarité, avec un groupe électrogène et une connexion Starlink. Les habitants peuvent y aller recharger leurs portables.

La venue d'Emmanuel Macron, craint-il, pourrait même être contre-productive: "ça va achever Mayotte, il va faire des promesses qu'il ne va pas tenir", avance le jeune homme.

- "Tout est écrasé" -

Au-dessus de la route du littoral nord, les collines sont encombrées de milliers de débris de "bangas" (habitats précaires) et de végétation. La pluie tropicale de Mayotte rend la terre instable et fait craindre des glissements de terrain. Mais ce sont bien les habitants qui glissent en récupérant des bouts de tôle pour reconstruire leur logement.

"Si on reçoit de l'aide, on fera des choses jolies. Mais en attendant, je dois loger mes enfants", explique Islam Silahi, assis sur un tabouret dans sa baraque aux trois-quarts ouverte, en montrant les murs penchés et les trous dans son plafond.

Assise devant sa boutique en ruine, un peu plus bas sur la colline, Mouniati Mouhamed n'a elle aucun espoir. "Tout est cassé, tout est écrasé et il n'y a pas d'argent dans notre monde", se désole-t-elle en shimaoré, le dialecte mahorais.

Selon un bilan provisoire du ministère de l'Intérieur, le cyclone a fait 31 morts et 1.373 blessés, même si les autorités anticipent un nombre de victimes beaucoup plus important.

publié le 19 décembre à 13h06, AFP

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