En Autriche, les refuges menacés par le réchauffement climatique
"Une fissure de la taille d'une main": à 3.106 mètres d'altitude, les fondations du refuge enneigé de Zittel, dans la région de Salzbourg, se craquellent sous l'effet du réchauffement climatique.
"Il y a un besoin urgent d'agir", lance Georg Unterberger, chargé des infrastructures au Club alpin autrichien.
Le secteur a lancé il y a quelques mois un "appel de détresse" - qui a recueilli à ce jour près de 100.000 signatures -, réclamant un fonds d'urgence de 95 millions d'euros.
Mais le gouvernement n'en a promis que 3 millions et dans ce pays de 9,1 millions d'habitants où grimper les pentes est un sport national, l'inquiétude grandit face aux éboulements qui endommagent les refuges, déjà fragilisés par leur vieil âge et le manque d'entretien.
Sur l'ensemble du massif des Alpes, la fonte des glaciers et le dégel du permafrost (sol gelé en permanence) rendent les itinéraires vers les sommets très risqués. Une des conséquences du changement climatique, au coeur de la COP29 s'ouvrant lundi à Bakou, en Azerbaïdjan.
- "A quatre pattes" -
En Autriche, 272 des 429 refuges de montagne et 50.000 kilomètres de sentiers nécessitent mesures et réparations. Le fardeau économique de l'entretien des nombreux chemins "a doublé ces cinq dernières années", dit à l'AFP M. Unterberger.
Erigés pour la plupart il y a plus de cent ans, de trois à quatre chalets ferment chaque année.
Pourtant ce n'est pas que les touristes manquent: ils sont plus d'un million par an à visiter les 200 établissements gérés par le seul Club alpin, le plus grand du pays avec 710.000 membres.
L'ascension jusqu'au sommet du Sonnblick, convoité par des aventuriers du monde entier, a toujours été classée parmi les plus difficiles du circuit. Désormais l'équipement d'escalade est indispensable, pour avoir une chance d'admirer la vue d'en haut.
"C'est encore plus dangereux maintenant et j'ai vu des grimpeurs devoir se mettre à quatre pattes pour parvenir tout en haut", raconte le responsable.
Le changement de décor impose des aménagements, comme la mise en place de cordes et d'échelles en acier pour sécuriser le parcours et baliser son tracé, changeant un peu chaque année au gré des érosions.
Quand le refuge a été bâti, l'imposant glacier immaculé léchait les murs. Son recul spectaculaire a mis à nu des parois rocheuses abruptes et de vastes et périlleuses étendues d'éboulis grisâtres.
Il a fallu stabiliser la cime à l'aide de piquets en acier, enfoncés à 20 mètres dans la pierre, à grand renfort de béton.
- Manque de bénévoles -
Et au-delà des moyens, le problème est aussi humain. Contrairement à la Suisse voisine, les pouvoirs publics ne sont pas chargés de l'entretien des réseaux de sentiers en Autriche: les clubs alpins s'appuient largement sur des volontaires de plus en plus rares.
"Beaucoup de nos 25.000 bénévoles ont plus de 65 ans et le recrutement est un défi permanent", regrette Georg Unterberger, qui observe une tendance au "micro-engagement", pour quelques heures ou une journée, mais pas plus.
Aux côtés du refuge, l'observatoire du Sonnblick documente l'évolution des températures depuis 1886, ce qui constitue la plus longue période ininterrompue de collecte de données en haute altitude au monde.
Des informations cruciales pour permettre aux scientifiques d'affiner leurs modèles climatiques, les hauteurs se réchauffant plus vite que le reste du globe.
Depuis les années 1950, toutes les régions de haute montagne, comme "les Alpes, les Rocheuses, les Andes ou l'Himalaya, ont connu une augmentation de la température annuelle de plus de deux degrés", soit le double de la moyenne mondiale, précise à l'AFP Elke Ludewig, la directrice de l'observatoire. La hausse est encore plus forte à ce sommet.
"Il ne faut pas se fier à la neige abondante et aux glaciers qu'on a encore la chance de voir. Nous sommes vraiment dans une situation critique en ce qui concerne la vitesse à laquelle la planète se réchauffe", rappelle-t-elle.
publié le 11 novembre à 09h20, AFP